poétiques, ce serait exagérer singulièrement que de le comparer soit à Béranger, soit à Pierre Dupont. J’accorde que, dans ses chansons les mieux venues, il fait songer à l’un ou à l’autre, mais il n’a ni la précision pittoresque du premier, ni l’ampleur du second[1]. Aussi bien n’est-ce point comme chansonnier qu’il vivra dans la mémoire des hommes ; si son nom doit surnager, ce sera plutôt comme historien du canton de Vaud et surtout comme ami et correspondant de Sainte-Beuve[2].
Deux ans après la publication des Deux Voix, ce dernier entreprenait un voyage en Suisse. Il portait en lui l’Histoire de Port-Royal dont il avait entretenu Juste Olivier, et aussi le deuil d’un amour qui avait profondément troublé sa vie. C’est même pour faire diversion à son chagrin qu’il avait pris le chemin de la Suisse.
Le 24 juillet 1837, il adressait de Lausanne à Olivier le billet suivant :
« Je passe à Lausanne, mon cher monsieur Olivier, et mon premier besoin est de monter à la rue Martheray. J’ai le regret de vous savoir absent et je crains que mes pas ne me portent point vers Aigle[3]. Dites-moi pourtant par un mot et si vous y êtes et si j’ai chance, en me dirigeant de Vevey à Martigny, de vous y rencontrer. Je serais heureux de causer avec vous, d’être présenté à Mme Olivier. Je ne puis vous dire que ce peu de mots avec une mauvaise plume d’auberge et à la hâte, partant pour le lac des Quatre-Cantons.
« Mille amitiés cordiales et offrez mes humbles respects à Mme Olivier.
« SAINTE-BEUVE. »
« P. S. — Si cette lettre vous arrive un peu vite, adressez-moi plutôt, s’il vous plaît, votre réponse à Lausanne, poste restante, pour que je la trouve dans quatre ou cinq jours, à mon retour : j’irais peut-être alors d’ici tout droit. A vous[4]. »
C’est ce qu’il fit, en effet, sur l’invitation de Juste Olivier, qui
- ↑ Voici les titres de ses recueils de poésies : les Deux Voix (en collaboration avec sa femme), les Chansons lointaines, les Chansons du soir et les Sentiers de montagne.
- ↑ Je dois pourtant reconnaître qu’il jouit toujours en Suisse d’une grande popularité comme chansonnier.
- ↑ Où M. et Mme Juste Olivier possédaient une maison de campagne.
- ↑ Lettre inédite.