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gation de se prononcer. On attendait d’ailleurs pour les premiers jours d’octobre un discours de M. Balfour : que dirait-il ?

Pendant qu’on se posait cette question, on a appris que le Conseil des ministres tenait des réunions exceptionnelles où la question devait sans doute être agitée. Bientôt on a eu la certitude, M. Balfour ayant distribué aux autres ministres et à ses collègues, les présidens des ministères coloniaux, une brochure empreinte d’un caractère philosophique très élevé, où il discutait à son point de vue le régime fiscal de l’Angleterre et indiquait les réformes qu’on pouvait y introduire immédiatement. Nous ne ferons pas ici l’analyse de ce remarquable travail : elle a été faite partout. Dans quelques passages, M. Balfour se perd un peu dans les nuages à force de voir les choses de haut. En somme, il se montre d’accord avec le ministre des Colonies sur les principes. Ah ! combien il regrette qu’on ne les ait pas complètement appliqués en 1846, alors qu’on le pouvait si aisément. Aujourd’hui on est bien obligé de tenir compte de certains faits acquis et dont les conséquences, comme nous l’avons dit plus haut, sont entrées dans les mœurs. Toucher aux matières alimentaires, on n’y doit pas songer ! Mais il reste la possibilité, en même temps que l’utilité, d’accorder la protection de tarifs compensateurs aux produits de l’industrie britannique. M. Balfour ne vise, ce semble, que les produits dont la fabrication est achevée : en tout cas, il ne touche pas aux matières premières. Un système de protection qui ne s’applique ni aux matières premières, ni aux matières alimentaires, n’est pas, au premier abord, bien rébarbatif.

Mais quelle est la préoccupation dominante de M. Balfour ? On est frappé, en lisant sa brochure, du peu de place qu’il y accorde à celle de M. Chamberlain, et on s’aperçoit tout de suite qu’il ne poursuit pas le même but que lui. M. Chamberlain ne pense qu’aux colonies et a l’Empire ; M. Balfour en parle sans doute, mais les met au second plan. Il est surtout inquiet de voir diminuer ou se rétrécir à travers le monde les débouchés par lesquels l’Angleterre écoule les produits de son industrie. C’est là, dit-il, un très grave danger. L’Angleterre n’en sent pas encore toute la gravité, parce que les pays étrangers lui doivent beaucoup d’argent et le lui paient sous forme d’importations sur son territoire, parce qu’il reste dans l’univers des aires immenses qui ne sont pas entourées de barrières protectionnistes, enfin parce que les régions protégées ne le sont pas complètement ; mais le maintien de cette situation relativement favorable ne dépend pas de l’Angleterre, et lorsqu’elle se modifie, c’est toujours à son