surmonter pour revenir sur les réformes de 1846, qu’on en a rencontré à cette époque pour les réaliser. C’est que les réformes de ce genre sont de celles qui agissent le plus puissamment et le plus profondément sur les mœurs nationales. Quand tout un peuple s’est habitué à vivre à bon compte, il n’y a pas de plus redoutable entreprise que de vouloir augmenter pour lui le prix des matières alimentaires de première nécessité. Le parti libéral l’a parfaitement compris. Sa situation politique paraissait bien compromise il y a quelques mois, et les plus optimistes de ses membres se demandaient avec embarras quelle plate-forme électorale il pourrait choisir pour les élections prochaines. À dire vrai, on ne trouvait rien. Tout d’un coup, M. Chamberlain a lancé son projet, et il y a eu aussitôt comme un changement à vue. Tout le monde en Angleterre porte un égal intérêt aux colonies, mais on fait déjà pour elles d’immenses sacrifices, et, en somme, les charges matérielles de la défense de l’empire retombent pour la plus lourde part sur la mère patrie. L’idée d’y joindre encore des impôts nouveaux, ou des impôts accrus dans une proportion presque impossible à calculer, ne pouvait pas se présenter aux esprits sans les dérouter. Et sur quoi porterait surtout le poids de ces impôts ? Sur les alimens ! Le mot de pain cher est venu aussitôt sur toutes les lèvres, sous toutes les plumes des hommes du parti libéral : mot magique, avec lequel on va loin.
Que le parti libéral s’en soit emparé et l’ait fait résonner avec force, rien de plus naturel : c’était, comme on dit, de bonne guerre. Néanmoins, M. Chamberlain s’en est plaint dans une lettre à M. Balfour dont nous aurons à parler plus loin. Il avait espéré, a-t-il dit, qu’une question qui intéresse à un si haut degré la grandeur et la fortune de l’Angleterre, ne serait pas dénaturée par l’esprit de parti et que, de part et d’autre, on s’appliquerait à l’étudier avec impartialité. « Cette manière de voir, écrit-il, n’a pas été partagée par les chefs du parti libéral ; dès le début, ils ont repoussé l’idée qu’un système généralement accepté en 1846 pourrait peut-être demander quelques modifications en 1903, et toutes les forces vives de ce parti ont été mises en œuvre pour combattre toute tentative de modifier les bases de notre politique fiscale, ou même de rechercher s’il y avait lieu de les modifier. » On reconnaît dans ces expressions l’ardeur habituelle que M. Chamberlain apporte dans la polémique ; elles ne sont d’ailleurs pas exactes. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’introduire éventuellement quelques modifications dans le régime de 1846, mais de le changer de fond en comble ; Une s’agit pas d’une tentative quel-