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nous n’en dirons pas sur ce sujet davantage, persuadé que les occasions ne nous manqueront pas de retrouver M. Combes — et M. Renan lui-même. Nous souhaitons seulement pour celui-ci de le rencontrer seul, ou dans une autre compagnie.


Ce qui se passe en ce moment en Angleterre est toute une révolution intérieure. La démission de M. Chamberlain, dans les conditions où elle a été donnée, a imprimé au pays tout entier une violente secousse dont il sera long à se remettre ; et, quand il en sera remis, comment prévoir et comment dire quelle sera la situation respective des divers partis ? Il est, semble-t-il, dans la destinée de M. Chamberlain d’ébranler jusque dans leurs vieux fondemens les partis britanniques l’un après l’autre. On sait dans quelles conditions il a quitté autrefois le parti libéral, qui, en somme, ne s’est jamais relevé du coup qu’il lui a porté. Il faut pourtant dire, à sa décharge, que l’initiative audacieuse, bien que généreuse, ne venait pas cette fois de lui, mais de M. Gladstone, auteur du home rule. M. Chamberlain n’en a pas moins été l’agent principal de la scission qui s’est produite à ce moment. Il a entraîné avec lui toute une portion du parti libéral, et, après l’avoir qualifiée d’unioniste, il en a apporté triomphalement l’appoint au parti conservateur. Celui-ci a cru recueillir une grande force, et les apparences le faisaient espérer en effet ; l’histoire dira s’il n’y a pas eu là, finalement, une déception.

M. Chamberlain a introduit dans le parti conservateur l’élément révolutionnaire qui fermentait en lui, et, au bout de peu d’années, la physionomie de ce parti s’est trouvée profondément modifiée : elle est devenue presque méconnaissable. Nous ne savons pas, on ne saura peut-être jamais ce qu’en a pensé lord Salisbury. Il a subi le collègue qu’il s’était donné : sa volonté que l’âge avait affaiblie s’est usée contre l’énergie sans cesse en action de ce dernier. Lord Salisbury a disparu. Son successeur, M. Balfour, ne paraissait pas, à dire vrai, l’homme qui tiendrait tête à M. Chamberlain. Il lui est, à coup sûr, infiniment supérieur par la culture intellectuelle ; mais on se demandait s’il aurait la résistance de caractère indispensable pour ne pas se laisser entraîner dans l’orbite où se mouvait, avec une accélération toujours plus grande, l’astre errant du ministre des Colonies. Cette question n’est pas encore résolue complètement. Mais un fait considérable s’est produit : M. Chamberlain a donné sa démission. Est-ce de sa part une rupture ? Non : un pareil mot serait inexact, au moins jusqu’à ce jour. Peut-être même ne peut-on pas dire qu’il y a