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IV

Les premières notions sur la « fonction adipogénique » du foie ont une antiquité vénérable. Les Romains n’ignoraient point que les foies gras constituent un mets délicieux et savoureux : ils savaient engraisser les oies en les soumettant à un régime approprié, appliqué en temps convenable. La tradition s’en est continuée, avec des perfectionnemens appréciables, dans quelques-unes de nos provinces. Il est vrai qu’il ne s’agit pas ici de graisses ordinaires. L’excellence des pâtés de Strasbourg et de Toulouse nous dispensera cet égard, d’une constatation plus savante. La graisse du foie gras est un mélange de la graisse habituelle que l’on trouve dans les autres parties de l’oie ou du canard, avec une graisse phosphorée, plus rare, la lécithine. MM. Dastre et Morat en avaient signalé l’abondance chez les volatiles soumis à l’engraissement. Des analyses récentes ont confirmé leurs observations déjà anciennes. On a trouvé que le foie de ces palmipèdes était formé de graisses ordinaires pour une moitié et de lécithine pour 5 à 12 pour 100 de sa masse totale.

C’est encore un fait de notoriété vulgaire que le foie de beaucoup d’espèces de poissons est abondamment imprégné de matières grasses. On connaît l’huile de foie de squale. Chez la morue, le foie peut contenir une quantité d’huile qui atteint 18 pour 100 du poids de l’organe. Le fait est général. Il y a normalement de la graisse dans le foie de tous les animaux : on en trouve 2 pour 100 chez le chien. Chez la femelle en lactation, chez le fœtus à terme, chez le jeune mammifère au moment de la naissance, l’organe est infiltré de matière adipeuse. Cette richesse du foie en graisse est un caractère si général, elle appartient si bien à la cellule hépatique, qu’elle prend la valeur d’un trait signalétique. Elle sert à discerner, au microscope, l’élément anatomique du foie dans les cas douteux : la cellule hépatique se reconnaît à ce qu’elle est chargée de granulations colorées (pigment) et de gouttelettes de graisse.

La substance adipeuse se retrouve dans beaucoup d’autres parties du corps des animaux vertébrés. Il y existe un tissu adipeux universellement répandu, qui forme des accumulations de graisse sous la peau et des pelotes graisseuses dans certains points d’élection que connaissent bien non seulement les anatomistes, mais encore les maquignons, les bouviers et les acheteurs de bétail. Le foie ne se distingue pas à cet égard. Mais chez certains invertébrés, le caractère de