Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mohammed-el-Guebbas et surtout les paroles du général O’Connor qui pouvaient laisser croire que la France reconnaissait l’indépendance de Figuig et tenait la balance égale entre Mouley-Abd-el-Aziz et le rogui Bou-Hamara, eurent, dans l’entourage du Sultan, un profond retentissement. Les ennemis de Guebbas ne se firent pas faute de commenter et d’amplifier ces nouvelles pour compromettre le crédit de leur rival et ruiner l’influence française. En même temps, les agens officieux des puissances européennes s’efforçaient de dénaturer l’affaire de Zenaga et représentaient le bombardement comme un acte d’hostilité contre le Maroc. Toute la politique que nous suivions à Tanger depuis plusieurs années et dont nous attendions les meilleurs fruits, allait se trouver compromise quand heureusement et tout à coup le ton et le langage des représentans du gouvernement français redevint ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Le gouverneur général était allé, dès le 9 juin, à Alger, faire une visite à Guebbas ; « M. Jonnart, disait le télégramme officiel, a remercié Mohammed-el-Guebbas de la démarche que le représentant du Maroc a faite auprès de lui, à Saïda, le lendemain de l’attentat de Zenaga, pour lui exprimer les vifs regrets du Sultan. » Depuis lors, toute hésitation a disparu de notre politique ; l’unité de vues est pleinement rétablie entre Paris, Alger et Tanger. Le 26 juillet, M. Jonnart, à Paris, déclarait à un journaliste que « les instructions générales du gouvernement sont d’assurer, dans la mesure du possible, l’exécution des arrangemens pris avec le Maroc et de développer nos relations amicales pour poursuivre notre pénétration économique dans ce pays. » Les actes sont d’accord avec les paroles : on a pu le voir quand des troupes marocaines, débarquées à Nemours, se sont rendues à Oudjda pour reprendre la ville sur les partisans de Bou-Hamara. Tous ceux que préoccupe avant tout le développement de l’influence française au Maroc ont vu avec joie cette preuve nouvelle de la bonne entente des deux gouvernemens ; mais elle a causé une vive indignation à M. Trouin, député, qui a écrit à M. Delcassé pour brandir sur sa tête les foudres de l’interpellation et qui a rempli de ses plaintes les colonnes du Temps, où, d’ailleurs, ses argumens ont été réfutés avec tant de vigueur que nous n’aurions même pas fait mention des colères de M. Trouin s’il n’était malheureusement certain qu’il est l’écho d’un avéré nombre de ses électeurs de la province d’Oran.