Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/696

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris, un escadron de la garde républicaine ! Il serait imprudent de compter même sur la tranquillité de Figuig : « Nos officiers de la garnison de Beni-Ounif vont s’y promener maintenant la canne à la main, » a déclaré M. Jonnart ; le général Cauchemez et ses compagnons s’y sont, eux aussi, « promenés » avant la canonnade du 8 juin et cependant l’attentat du 31 mai s’est produit. Un détail caractérise bien ce qu’il faut penser de la soumission des gens de Zenaga : en venant demander l’aman, les délégués de la Djemâa apportèrent, pour les officiers du général O’Connor, des fusils artistement ouvragés ; le lendemain, tandis qu’on admirait l’élégance de ces armes, un coup de feu partit et faillit atteindre l’un des assistans : tous les fusils offerts en cadeau étaient bourrés jusqu’à la gueule de poudre et de plomb… Ainsi, notre tâche, dans les marches algéro-marocaines, n’est pas achevée et ceux qui avaient tout espéré de la force ont quelque sujet d’être déçus ; le bombardement et les deux expéditions qui l’ont suivi ont produit un bon effet ; mais il reste à faire toute l’œuvre d’organisation, à soumettre les dissidens et à préparer la paix par le développement des relations commerciales. On n’y réussira qu’en continuant à pratiquer la politique d’entente avec le gouvernement marocain et en exécutant avec patience et ténacité « les accords » de 1903.

Hâtons-nous de dire que cette méthode, M. Jonnart, d’accord avec le gouvernement, l’a finalement adoptée. Mais on put croire tout d’abord que l’arrivée d’un nouveau gouverneur et la fièvre belliqueuse que le bruit du canon de Figuig a provoquée pendant quelques jours, allaient être le signal d’un changement d’orientation de notre politique. Les adversaires algériens de l’entente avec le Maroc, ceux qui attendent tout de la force, manifestaient bruyamment leur satisfaction. L’Écho d’Oran, parlant de l’agression des gens de Zenaga contre M. Jonnart, l’appelait « l’incident libérateur » qui mettrait fin à « une politique néfaste ; » et, dans un article violent, il demandait « s’il n’était pas temps de renvoyer d’où ils viennent ces négociateurs du Sultan de Fez, — et non du Maroc qui ne lui appartient pas, — qui viennent de nous démontrer jusqu’à quel point ils sont dépourvus d’autorité sur les tribus qui nous avoisinent. » L’attitude du gouverneur général lui-même ne laissait pas que d’encourager ces tendances : lorsque, après l’attentat du 31 mai, Mohammed-el-Guebbas vint à Saïda, au nom du Sultan, pour exprimer à