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III

Les premières pensées du nouveau gouverneur général, M. Jonnart, furent pour le Sud-Oranais. Avant de quitter Paris, il se mit d’accord avec le gouvernement sur un programme d’action répressive comprenant le bombardement de Figuig et les deux colonnes du Bechar et du Beni-Smir. « Le bombardement de Zenaga, a déclaré le gouverneur lui-même, était décidé avant mon voyage dans l’Extrême-Sud[1]. » On se proposait évidemment, en frappant un coup retentissant, plus encore d’impressionner les imaginations algériennes et de calmer l’émotion publique, que de prévenir les attentats, car, si jaloux de leur indépendance et si rebelles à notre influence que soient les gens de Zenaga, l’on ne saurait cependant leur imputer toutes les attaques qui se produisent depuis Igli jusqu’à Marnia ; les ksouriens subissent la présence des nomades bien plutôt qu’ils ne la désirent et il est à croire que même les agressions qu’eut à repousser l’énergique chef du bureau arabe de Beni-Ounif, le lieutenant Berriau, furent plus souvent le fait des nomades ou des malandrins réfugiés dans les oasis que des ksouriens eux-mêmes[2]. Mais il est légitime et nécessaire d’appliquer dans ces régions le principe de la responsabilité collective, sans lequel il n’est pas de police ni de répression possible.

Le bombardement décidé, le gouverneur se rendit à Beni-Ounif, avec le général O’Connor, commandant la division d’Oran, pour étudier sur place la situation ; franchissant un col, ils s’avancèrent, pour reconnaître les abords de l’oasis, avec une trentaine de spahis, tandis qu’une compagnie de la légion étrangère restait dissimulée dans la palmeraie. La tentation était trop forte : les gens de Zenaga n’y résistèrent pas et, croyant l’occasion propice, ils attaquèrent le gouverneur et sa suite. Le général O’Connor « avait en poche, depuis trois jours, l’ordre de bombarder Figuig ; » l’agression du col de la Juive ne modifia pas le plan arrêté ; elle ne fit que rendre plus manifeste la légitimité du châtiment qui, le 8 juin au matin, s’abattit comme une trombe sur les ksour de Figuig et tout spécialement sur Zenaga.

  1. Déclaration de M. Jonnart, dans le Matin du 26 juillet 1903.
  2. Voyez l’excellent article du comte Henry de Castries dans le Journal des Débats du 26 juin.