allusion aux opinions monarchiques de Fontanes[1]. Chateaubriand, à son tour, descendait dans l’arène, s’indignait que Mme de Staël eût soupçonné le royalisme de Fontanes, et, par une contradiction singulière, insinuait qu’elle aussi avait bien l’air « de ne pas aimer le gouvernement actuel et de regretter les jours d’une plus grande liberté. » Non seulement il signalait dans le livre De la Littérature le « goût du sophisme, la pensée inconstante et versatile de la femme ; » mais il faisait preuve d’un manque de galanterie et de politesse surprenant à l’égard de cette femme : « En amour, disait-il, Mme de Staël a commenté Phèdre ; ses observations sont fines, et l’on voit par la leçon du scoliaste qu’il a parfaitement entendu son texte. » On remarquait en même temps une évidente intention de réclame personnelle et, pour ainsi dire, une sorte d’impatience de gloire : un obscur inconnu ne craignait pas de s’opposer au nom célèbre de Mme de Staël, de comparer un ouvrage mystérieux, inachevé à la Littérature. Mais on était frappé aussi du ton éloquent et inspiré du style, de l’originalité des idées, et de cette imagination qui savait agrandir les objets et les peindre avec force. C’était la première fois peut-être, remarquait un journal, que la critique littéraire avait « pris l’accent du cœur et du sentiment » et s’était élevée jusqu’au pathétique[2]. »
Chateaubriand avait atteint son but : « l’auteur du Génie du Christianisme » sortait de l’ombre ; il ne devait pas attendre longtemps la gloire.
Mme de Staël était arrivée à Paris quelques jours après la publication de cette lettre[3]. Elle s’étonna, s’irrita même. Un passage surtout l’inquiétait, c’était celui où Chateaubriand faisait allusion à son peu de sympathie pour le gouvernement actuel, à son regret de l’ancienne liberté. Elle se rappelait l’incident du Tribunat, l’année précédente, la colère du Premier Consul, la retraite forcée à Saint-Ouen, dans sa campagne. Puis, malgré le livre De la Littérature, il y avait eu trêve ; M. Necker avait négocié la paix entre sa fille et Bonaparte ; elle avait l’autorisation de séjourner en France, mais à la condition de se faire oublier, de garder une sage réserve. Et voilà qu’après les épigrammes