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Mais, passée la première secousse, le détail humain apparaît : l’aile admirable du nez au-dessus des brunes lèvres ridées, le bronze des mains, des bras, des pieds sculpturaux et nus dans la poussière, — tout ce bronze vivant, surchargé de bijoux barbares, argent et cuivre, — les chevilles, l’orteil, les poignets, le cou, le nez harnachés de cuivre. Cela est massif et somptueux.

Avec des lenteurs de bétail, elles se sont accroupies. Nous nous regardons, et je puis lire à présent leur visage, d’une gravité antique comme leurs atours. Léthargique noirceur de ces yeux ; les prunelles noyées de ténèbres, de troubles ténèbres et comme agrandies d’opium, restent fixes, ne jouent pas, regardent d’en bas : on sent couler leur molle lueur diffuse. Une expression de tristesse à demi sauvage, de lassitude organique et passive.

Muettes, elles serrent leurs voiles, avec un geste très lent de leurs mains alourdies par tant de métal. Puis immobiles, les yeux perdus, et comme accablées d’un poids invisible. Toute l’Inde est en elles, éblouissante et morne…


Ailleurs des groupes de Çoudras, assis sur leurs talons, attendent près de ce marché des besognes de portefaix. Sur le fond papillotant des Chinois-pierrots, et des Birmans de féerie, ils sont tragiques : chair hindoue vouée à toutes les corvées, nue, noire, suante, souffrante, une résignation atavique dans les yeux. Silencieux comme leurs sœurs accroupies, les femmes aux voiles ardens, mieux encore ils incarnent le vieux et terrible génie de l’Inde, étant de race autochtone, presque nègres. Bien avant les temps historiques, le soleil du Bekkan avait brûlé leurs ancêtres ; lorsque les Aryas au teint clair arrivèrent du Nord, ils prirent ces Dravidiens pour des diables et des animaux. Dans leurs épopées légendaires, ceux-ci devinrent les singes que Rama conduit à la conquête de Ceylan.

À terre, repliés sur eux-mêmes, pourquoi baissent-ils ainsi la tête ? Que le cuir de leur crâne est sombre ! La tête ainsi rasée, — sauf la touffe que saisira Siva pour les emporter dans son paradis, — ils semblent plus nus sous le soleil, et plus esclaves. Et ces têtes mêmes en paraissent plus douloureuses. À suivre leurs fortes bosselures, on croit voir les cerveaux eux-mêmes, obscurs et façonnés par la souffrance héréditaire.

Ils se sont un peu redressés, et nous les reconnaissons bien pour des Sivaïtes. Trois traits de poudre blanche figurent sur le