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des bonnes relations de voisinage et de commerce que nous entretiendrons avec ses habitans, du développement des voies ferrées, qui y seront construites au moyen de nos capitaux, — à défaut de ceux de la province dont les ressources en cette matière sont restreintes, — et, enfin, des facilités d’écoulement vers l’Europe ou vers la Chine que nous pourrons donner aux divers produits de son sol. En retour de tous ces avantages, notre ambition se réduit à demander que, ainsi que l’ont obtenu les Russes en Mandchourie, — comme garantie de la sécurité des travaux exécutés au moyen des capitaux considérables engagés dans les entreprises de diverse nature dans cette contrée, et de la sécurité. De nos nationaux, — la garde, de concert avec les Chinois, de quelques points de la voie ferrée, en construction dans cette province, nous soit confiée.

Devons-nous ajouter, enfin, qu’au cours de la dernière campagne de Chine, nos généraux et nos diplomates, dans les conseils qui ont été tenus à Pékin après la prise de la capitale, n’ont pas été des moins empressés à faire écarter les propositions qui avaient pour objet de détruire les palais impériaux, à titre de représailles ; à donner ensuite l’exemple de la clémence et de la générosité vis-à-vis des vaincus et de la sympathie vis-à-vis du gouvernement chinois, par leur attitude, aussi bien envers les réguliers qui, en diverses circonstances, vinrent se ranger sous nos ordres pour combattre les Boxers, qu’envers les habitans dont ils protégeaient les villages, quelquefois contre l’entreprise même d’autres alliés. L’on n’a point encore oublié cette requête par laquelle les hautes autorités de la province de Pao-Ting-Fou, notamment, demandaient aux autorités militaires françaises de se charger de la protection des villages de cette contrée, au moyen de leurs troupes, contre les Boxers et contre les exactions, soit voulues, soit accidentelles, — dont les habitans étaient parfois l’objet de la part de quelques détachemens internationaux. La France s’est ainsi offerte en comparaison avec les autres puissances devant les mandarins et les populations chinoises : elle recueillera un jour le fruit de cette ingérence pacificatrice, si ses fils — diplomates, militaires, commerçans ou colons, — savent étouffer là-bas l’écho de divergences toutes théoriques d’opinion dont le bruit ne devrait jamais dépasser ses frontières[1], et

  1. Nous lisons dans le rapport d’un officier supérieur d’infanterie coloniale qui, avant même la signature du protocole mettant fin à la guerre de Chine, reçut du Gouvernement de cette puissance une très flatteuse distinction honorifique, en récompense des bons procédés dont ses troupes avaient usé envers les autorités et les populations de la région où il était établi : « Vers la fin du mois d’octobre 1900, je fus chargé avec mon bataillon, du 17e régiment colonial, d’occuper Tchouo-Tchéou et les tombeaux de Si-Ling. Nous passâmes tout l’hiver à ces tombeaux et, dans toute cette région qui s’étend du Fleuve Rouge à la Grande Muraille (140 kilomètres), nous jouîmes de la tranquillité la plus parfaite, pendant qu’autour de nous régnait, sur bien des points, une très vive agitation.
    « Notre recette fut bien simple : entraînés pour la plupart par des séjours répétés dans les territoires militaires du Tonkin et du Soudan, nous nous installâmes et nous fonctionnâmes naturellement, et sans même attendre d’ordres, comme dans un cercle d’un de nos territoires militaires ; nous ramenâmes les cultivateurs, nous fîmes sauter quelques têtes de brigands et nous rendîmes au pays sa vie normale des jours paisibles. » (Commandant Fonssagrives.)
    Ajoutons que pendant cette occupation internationale du Pe-tchi-li, quelques-uns de nos officiers ont eu l’occasion de démontrer aux indigènes et aux lettrés que leur qualité de militaires ne les empêchait point de posséder une culture d’esprit qui valait celle de leurs mandarins en renom. Et l’estime dans laquelle ces officiers étaient tenus, dans la suite, par les hautes autorités chinoises témoignait que ces dernières étaient entièrement revenues de leurs préventions relatives à l’ignorance ou à l’incapacité des mandarins militaires français.