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dans les transformations des institutions humaines ; de s’assimiler peu à peu les principes de notre civilisation ; et de reprendre ainsi dans la marche de cette dernière, vers le progrès rêvé par les philanthropes et par les philosophes, la place qui convient à la plus antique des nations.


VIII

La question du choix, par la Chine, de la puissance, ou des puissances, à laquelle elle s’adressera pour la réorganisation de ses forces militaires, présente, à des titres divers, un intérêt international indiscutable. Eblouis du rôle brillant joué par les Japonais dans la campagne de 1900, quelques hauts mandarins chinois opinent pour solliciter de cette puissance le concours de ses officiers : l’un des vice-rois a même pris l’initiative, dès 1901, grâce à l’indépendance dont ceux-ci jouissent dans leurs provinces, notamment pour le règlement des questions d’organisation militaire, de demander au Japon de lui fournir des instructeurs pour son armée et des professeurs pour ses écoles militaires. Ces mandarins seraient ainsi d’avis de confier aux Japonais l’éducation militaire de la Chine[1].

Ils invoquent, à l’appui de cette manière de voir, différentes raisons : la fréquence des relations résultant de la proximité des deux pays ; la grande facilité pour les Chinois de lire les caractères japonais presque sans étude préalable, les Japonais se servant pour leur écriture de caractères chinois auxquels ils adjoignent simplement des phonétiques ; la similitude ou tout au moins la grande analogie de mœurs, de mode de subsistance, de costume, des deux nations, les Japonais adoptant, pour la

  1. Et, l’on pourrait aussi ajouter, leur éducation scientifique. Il y avait, en effet, au commencement de 1902, une trentaine de jeunes Chinois détachés à l’École militaire du Japon, mais il y avait en même temps 500 étudians chinois dans les universités de Tokio. Les charges budgétaires sont insignifiantes pour l’entretien de ces élèves : une soixantaine de francs par mois et par tête, grâce auxquels ceux-ci sont confortablement logés dans les écoles japonaises et bien nourris. Les Japonais, en général, affables et polis envers tous, ont pour ces Chinois des égards particuliers.
    Le nombre de ces élèves devait être considérablement accru pour l’année suivante : mais sur un rapport qui fut adressé à la Cour de Pékin et qui signalait qu’au retour du premier contingent envoyé au Japon, ces étudians auraient apporté en Chine des idées considérées comme révolutionnaires, un édit impérial, paru vers le milieu de l’année 1902, aurait interdit d’envoyer désormais des jeunes étudians dans les universités du Japon.