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qu’il conviendrait de la terminer : encore le plus tard serait-il le mieux. Les Magyars ont la réputation, qu’ils ont justifiée jusqu’ici, d’avoir un esprit remarquablement politique. C’est grâce à ce don naturel que, tout en représentant une grande minorité dans l’ensemble de l’Autriche, et une minorité même en Transleithanie, ils sont arrivés à exercer une action souvent prépondérante sur l’ensemble de la monarchie, et à jouer un rôle que leur nombre, au milieu des races slaves qui les entourent, ne semblait pas leur destiner. Ce rôle a été certainement un chef-d’œuvre de politique, mais c’est en vertu de son union restée étroite avec l’Autriche que la Hongrie a pu le remplir : on se demande s’il en sera de même, soit d’un côté de la Leitha, soit même de l’autre, le jour où la Hongrie aura détendu, au point de le rompre presque, le lien qui l’attache moins à l’Autriche qu’il n’attache l’Autriche à elle : et celle-ci commence à trouver lourd le fardeau qu’elle supporte. François-Joseph, se plaçant au point de vue des intérêts communs à toute la monarchie, et naturellement soucieux de sa puissance militaire, n’a pas cru devoir consentir aux sacrifices qu’on lui demandait ; mais il n’a pas trouvé, parmi les hommes politiques hongrois, un ministre qui se chargeât de gouverner à l’encontre du parti de l’indépendance armé de l’obstruction. C’est une crise de nationalisme suraigu que traverse la Hongrie, sans qu’on en aperçoive la fin. François-Joseph a quitté Pesth, en laissant le comte Khuen Hedervary poursuivre un intérim dépourvu de toute autorité, et nous dirions même de toute dignité, s’il n’y en avait pas toujours dans le dévouement. L’empereur est parti pour les manœuvres, puis il recevra la visite de l’empereur de Russie. Lorsqu’il reviendra à Pesth, y trouvera-t-il une situation plus facile ? Le temps qui est galant homme, comme on dit en Italie, aura-t-il fait son travail d’apaisement ? Les esprits seront-ils moins absolus ? Nous le souhaitons, car les symptômes qui se produisent sont très alarmans pour l’avenir de l’Autriche, et nous sommes de ceux qui croient ce pays nécessaire à l’équilibre de l’Europe et au maintien de la paix.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.