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Cythère, c’est ce qu’il est aujourd’hui impossible de découvrir. » Mais le fait est que, dès lors, « artistes et critiques affluent à Paris pour étudier et discuter les mérites ou les démérites de la première grande peinture de l’école nouvelle ; et les acheteurs, aussi, arrivent en foule, les mains pleines d’argent, pour acquérir des produits du maître nouveau : la vie du pauvre Watteau lui devient un supplice. » Si bien que, après avoir habité avec un ami « chez Pocheron, » — peut-être : aux Porcherons ? — Watteau se rend à Londres, d’où il rentre à Paris, quelques mois plus tard. « En 1720, une femme peintre vénitienne vint à Paris, et y fit fureur : son nom était Rosalba Carriera... Watteau, apparemment, avait conçu pour elle une affection romantique : il se la fit présenter dès son retour, et lui demanda de peindre son portrait. » Et, dans un autre endroit, décrivant une gravure de Watteau qui représente une jeune femme à sa toilette, M. Staley présume que « c’est probablement le portrait de Rosalba Carriera, la belle Vénitienne. » — Sur quoi l’on se rappelle, tel qu’elle-même s’est souvent amusée à le peindre, le bon gros visage quadragénaire de cette « belle Vénitienne. » — Enfin Watteau se retire à Nogent-sur-Marne, où il va mourir le 18 juillet 1721. C’est là que sa chère « La Montague «  se décide à l’aimer ; et nous apprenons en outre que, au moment même de mourir, le peintre « a murmuré une remontrance au prêtre qui lui offrait à baiser un crucifix d’une espèce trop commune. »


Telle est, d’après l’écrivain anglais, la vie de Watteau. Vient ensuite un chapitre sur « son inspiration, » où nous lisons que « le berceau de l’inspiration de Watteau a été les rues et le marché de Valenciennes » ; que, pour lui, « jouer au soldat n’a pas été seulement un passe-temps, mais une éducation » ; que, plus tard, à Paris, Watteau a eu l’habitude de peindre, coup sur coup, toute une série de tableaux sur les mêmes sujets : et M. Staley se demande si ce n’était pas là « une manie qui lui était restée de son travail à la grosse chez Métayer. » Puis, citant les grands peintres anciens dont Watteau a pu étudier les œuvres chez Crozat, il nous parle de l’influence exercée sur lui par « les délicieux panneaux d’ameublement de Giorgione ; » il nous vante les tons de chair du Corrège, « riches et chauds du soleil doré de Modène ; » il nous affirme que les dessins du paysagiste Domenico Campagnola « ont grandement influencé Watteau dans nombre de ses figures de caractère, et notamment dans son Lorgneur. » Quant à l’art même de Watteau, il aurait consisté surtout, durant la jeunesse du peintre, dans un adroit mélange « des grossièretés