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touchée de l’état pitoyable de son ancien adorateur, consentit enfin à lui rendre un peu de l’affection qu’il lui avait vainement prodiguée durant toute sa vie.

Mais revenons en arrière, et reprenons page à page le récit du biographe anglais. En 1709, Watteau, séjournant à Valenciennes chez ses parens, voit arriver, parmi les blessés de la bataille de Malplaquet, « un grenadier de Marseille appelé de la Roquet. » Aussitôt une vive amitié s’établit entre les deux hommes ; et Watteau, « chez qui l’uniforme et la conversation du grenadier » avaient ravivé de vieux rêves de peinture militaire, « tira grand profit de son nouvel ami, non seulement comme modèle, mais aussi pour s’instruire auprès de lui sur les questions d’uniforme, de pose, et de manœuvres. » Ce « de la Roquet » nous est heureusement plus connu que « la Montague. » Et si Jean Antoine de la Roque, officier des gendarmes de la maison du roi, écuyer, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis, et l’un des héros de Malplaquet, s’il n’était guère homme à rendre au jeune Watteau les petits services que lui attribue M. Staley, il lui en a rendu d’autres plus précieux encore. Homme de lettres, ayant déjà ébauché une Histoire des Peintres et une Histoire du Théâtre-Français, en attendant qu’il vînt diriger à Paris le Mercure de France, on devine combien de conseils et de renseignemens utiles il a dû donner à son jeune ami sur de tout autres sujets que « l’uniforme, les poses, et les manœuvres » des soldats. Et M. Staley nous le montre en effet bientôt, à Paris, s’intéressant aux progrès de Watteau ; mais, faute de le reconnaître, il en fait un autre homme, et même deux autres hommes : « M. Antoine de la Roque, directeur du Mercure de France, » et, plus tard, « l’abbé de la Roque, un des plus chauds admirateurs et des derniers amis de Watteau. »

Et il nous montre son jeune héros installé de nouveau à Paris, peignant un petit tableau pour « Monseigneur le duc d’Urlain », qui doit être, j’imagine, le duc d’Orléans[1]. Il nous le montre dans son atelier, « qui est devenu le rendez-vous des dames de la Cour, » et où « les marquises disputent aux danseuses de ballet l’honneur de poser pour celui qu’on commence dès lors à appeler le peintre de la beauté. » Et il nous montre Watteau, à Paris, « exécutant le portrait de M. Pater, de Valenciennes, » — l’exécutant de mémoire, sans doute,

  1. Pas une fois, dans tout son livre, M. Staley ne fait la moindre allusion à la Régence. Peut-être aura-t-il pensé que les mots « le Régent » signifiaient « le Roi ; » ce qui expliquerait son insistance à faire intervenir Louis XV dans la vie de Watteau.