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ses prétentions, et dit adieu à aucune de ces chimères qu’il avait jadis poursuivies avec tant d’ardeur.

Il était resté incurablement romanesque avec un besoin d’adorations féminines. Nous ne l’ignorions pas, mais le roman avec la marquise de V... nous en apporte une preuve nouvelle, imprévue et piquante. A la date où il commence, Chateaubriand a vu disparaître toutes celles qui l’avaient aimé jusqu’à en mourir, et il sacrifie déjà leur souvenir à celle dont la présence doit rendre plus douce sa vieillesse. Or, un jour de l’année 1827, le Journal des Débats ayant donné de mauvaises nouvelles de la santé de Chateaubriand celui-ci reçut une lettre d’une « inconnue. » Il n’en fallut pas davantage. Une correspondance s’engagea, qui dura deux ans, sans que Chateaubriand et celle qui lui adressait des épîtres enthousiastes se fussent jamais rencontrés, et sans que ni l’un ni l’autre semblât pressé de faire cesser le mystère. Ce sont, de la part de la marquise de V..., des lettres où s’exprime une adoration respectueuse et émue ; de la part de Chateaubriand, des lettres d’abord empressées, d’un joli tour de galanterie, et tout égayées du désir de plaire. Puis les lettres de ce dernier se font rares, deviennent de plus en plus courtes et incolores. Autant il s’est jeté avec empressement dans cette aventure, autant il en est déjà las. Enfin on se vit. Des deux côtés, la surprise fut égale, mais pour des raisons opposées. Dupe de l’affectation que Chateaubriand, par un calcul d’amour-propre qui lui était habituel, mettait à parler de ses cheveux gris, la marquise l’avait cru bien plus âgé qu’il n’était et se trouvait maintenant embarrassée du ton des lettres qu’elle lui avait écrites. Lui, ne s’était pas soucié de s’enquérir de l’âge de sa correspondante. Il se trouva qu’elle avait cinquante ans. Chateaubriand rendit deux fois visite à cette Marie qu’il avait fait serment d’aimer toujours. Puis il semble bien qu’il l’oublia complètement, cependant que la pauvre femme, à qui il restait vingt années à vivre, recopiait pieusement les lettres qu’elle avait reçues de son « maître chéri » et celles qu’elle lui avait adressées, et notait sur son cahier ces deux dates du samedi 30 mai 1829 et du samedi suivant 6 juin, les seules où il lui eût été donné de voir et d’entretenir « l’élu de son cœur. »

Les lettres de la marquise de V... ont pour nous cette première sorte d’intérêt qu’elles sont infiniment gracieuses et tout à fait dignes de prendre place parmi celles de nos meilleures épistolières. C’est une délicatesse de sentimens, un goût tantôt de l’analyse et tantôt de la rêverie, une émotion en face de la nature qui forment un composé