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REVUE LITTÉRAIRE

LES DERNIÈRES ANNÉES DE CHATEAUBRIAND

Si depuis quelque temps on s’est beaucoup occupé de Chateaubriand, c’est d’abord que nous mesurons mieux chaque jour l’importance d’une œuvre qui portait en elle à peu près tout le XIXe siècle littéraire. Les Grecs disaient que tous les courans de leur poésie découlaient d’Homère, comme tous les fleuves découlent de l’Océan : Chateaubriand a été l’Homère du siècle qui vient de finir. Sur la valeur de l’écrivain, le désaccord n’est guère possible ; on s’accorde moins sur le caractère de l’homme. Ou plutôt il est de ceux dont le rôle, la conduite, l’altitude prêteront toujours à la controverse, et ont chance d’être interprétés le plus diversement. Il rencontre des adversaires dans son propre camp et inquiète ceux dont il se croit le meilleur ami. « N’est-ce pas une chose curieuse, écrivait-il en 1826, que je sois aujourd’hui un chrétien douteux et un royaliste suspect ? » Dans ses Mémoires, il éprouve, et non sans cause, le besoin d’écrire tout un chapitre pour se défendre du reproche d’avoir, pour sa forte part, contribué à la chute du régime de son choix. Récemment on a pu traiter doctement avec pièces à l’appui, et discuter même en Sorbonne la question de la sincérité religieuse de l’auteur du Génie du Christianisme ; et, si d’ailleurs la réponse ne semble guère pouvoir faire de doute, il est déjà assez étrange qu’on ait pu seulement poser la question. La véracité du voyageur n’a pas résisté à l’examen minutieux que se sont avisés d’en faire, à propos de son voyage en Amérique, des commentateurs érudits et chicaniers ; au surplus, il y a beaux jours qu’on le soupçonnait d’avoir décrit un peu plus de pays qu’il n’en avait