Il n’est pas sûr que la nation elle-même se rende compte jusqu’où ces acquisitions territoriales pourraient l’entraîner sur le terrain de la politique étrangère. Jefferson avait dit, on s’en souvient, que le gouvernement fédéral « ne pouvait être rien autre chose pour l’Union que son département des Affaires étrangères. » Mais dans quelle mesure ce développement peut-il se produire ? Sans doute le Président a le droit, de traiter avec des nations étrangères sous la réserve de l’article de la Constitution qui lui confère « le pouvoir de passer des traités avec l’avis et le consentement du Sénat, à la condition que les deux tiers des sénateurs présens ratifient sa manière de voir. » Cette limite légale mise à l’action personnelle du Président dans l’exercice de son pouvoir a son contre-coup dans l’organisation du service diplomatique. Le personnel tout entier en change tous les quatre ans, à l’avènement d’un Président nouveau. L’Amérique est représentée à l’étranger par des citoyens, qui, pour traiter d’affaires internationales, n’ont d’autre préparation et autorité, que leur nomination par le Président et leur approbation par le Sénat. Le système républicain que l’Amérique s’est donné, ne permet pas cette continuité d’action politique extérieure, qui est un nécessaire développement de l’effort diplomatique. Et il n’y a en ce moment aucun projet à l’étude pour accroître l’initiative accordée au Président, ni pour limiter la liberté qu’a le Sénat de réviser les traités proposés par l’Exécutif. L’examen des archives révèle que si, dans le passé, le Sénat exerçait modérément et avec de grandes précautions son droit de critique, aujourd’hui, il n’y a pour ainsi dire pas de traités qui soient ratifiés sans quelque amendement.
Le gouvernement des États-Unis continue à être successivement aux mains de ces deux partis qui ont conservé les noms de Républicains et Démocrates. La différence caractéristique de leurs programmes est en ce moment le désaccord dans les questions de douane et d’expansion. Les Démocrates sont libre-échangistes et anti-impérialistes ; les Républicains, aujourd’hui au pouvoir, tiennent pour les droits protecteurs et pour les annexions territoriales. Les Démocrates affirment que la suppression des droits d’entrée serait un correctif à l’inconvénient des trusts ; mais les Républicains peuvent se vanter que, depuis que les droits ont été élevés par eux au maximum, l’Amérique jouit d’une prospérité jusqu’ici inconnue d’elle-même.