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Elles s’admirent dans leur esprit, comme les meilleures femmes n’ont jamais songé, un seul instant, à se vanter de leur cœur.


Le contraste. — Il y a deux ou trois ans, comme l’année était sur sa fin et n’en avait plus que pour deux jours, j’ai vu, l’une après l’autre, l’ennemie de l’homme et la très pure femme.

Je ne sais comment, j’étais entré dans une salle où une femme célèbre prêchait la loi nouvelle. Jeune et parée, des perles au col et aux oreilles, cette femme était couverte de tout ce que l’adulation de l’homme a mis de richesse et de luxe aux pieds de sa compagne. Un encens invisible de parfums entourait chacun de ses gestes. Derrière elle, sur le dos du fauteuil, une fourrure d’argent était jetée ; ses mains disaient vingt siècles de vie oisive ; sa jupe bruissait ; les voix de la dentelle, de la soie, du linge parfumé murmuraient autour d’elle, caressant ses membres, faisant à ce corps tant aimé l’écrin où tout le travail de l’homme est asservi et se consacre.

Cette femme avait toute la cruauté des idoles, et la vanité glaciale des marbres dans un musée. Elle s’offrait à l’adoration, s’adorant elle-même. Son sourire froid était posé, comme un masque, sur l’exécrable dureté de l’âme. D’autres femmes l’applaudissaient, toutes âpres, sèches et d’une fatuité cruelle. Si animées de colère et d’envie qu’elles fussent, ce n’était pas même contre l’homme, cet animal d’une espèce trop basse, — leur frère, j’imagine, leur fils ou leur père. Il semblait que ce fût plutôt contre un dieu caché ; car rien n’excitait plus haut la raillerie de ces femmes, leur sagesse et leur bel esprit que les vieux mots de bonté, de dévouement et de sacrifice. Elles avaient la figure des mauvais prêtres, quand ils insultent au culte qu’ils ont trahi. Et précisément, la grimace maudite de la haine plissait leur visage, quand le mot de « service, » le seul peut-être qui soit sans péché dans la bouche des femmes, — leur venait aux lèvres, où il prenait toujours le son très bas de « servitude. » Elles étaient si enragées d’apostasie que le plus innocent témoignage de l’ancienne religion en honneur parmi les femmes, ne trouvait pas grâce devant elles. La femme au parler d’orateur, s’indignait qu’on fît présent de poupées aux petites filles, pour leurs étrennes ; elle y voyait une ruse ignoble de l’homme pour asservir, dès le berceau, la femme à son foyer. Cette idole, par son luxe et sa parure la poupée du genre humain, déclarait la