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militaires et, s’il rompt une négociation entamée à des conditions si « modérées, » le public, en France, ne le lui pardonnera pas. Ce calcul, qui fut celui de 1813, ne pouvait réussir qu’à la suite d’une défaite de Napoléon. Les alliés comptent qu’il refusera, que son refus rendra la guerre impopulaire, et ils prennent leurs mesures pour le contraindre, avec l’appui de l’opinion en France.

La Prusse marchera avec 180 000 hommes. L’Angleterre lui paiera des subsides. À la paix, « on procurera à la Prusse une frontière plus sûre que celle qu’elle a actuellement, soit par des acquisitions, soit par des échanges. » Le plan de campagne sera combiné et les opérations seront dirigées, d’un point central à convenir, « jusqu’au moment où l’ennemi replié sur la rive gauche du Rhin, permettra de convenir et de concerter des mesures propres à l’état des choses d’alors. » Ces lignes trouvaient leur commentaire dans le traité du 11 avril et dans les conversations entre Allemands et Russes qui précédèrent les actes du 3 novembre : c’était le refoulement de la France « dans ses anciennes limites, » qui ne sera possible qu’alors et dont on était bien décidé à ne parler qu’alors[1]. Une part éventuelle y était réservée à la Prusse. C’était le troc du Hanovre contre les possessions prussiennes de l’Ost-Frise, qui faciliterait la reprise de la Hollande, « sans compter, ajoutait Hardenberg, sur le cas possible qu’une guerre heureuse permît à la maison électorale (de Brunswick) des acquisitions, sur la Meuse, sur les anciennes provinces prussiennes au delà du Rhin, le duché de Juliers, etc.[2]. » Ainsi se définissait ce feint respect de la limite du Rhin et des frontières de la paix de Lunéville.

Le plan de campagne consistait en ceci : occupation du Hanovre, blocus de Hameln, négociation militaire avec la Hesse et la Saxe ; marche des Prussiens de Hanovre dans le pays de Fulda, de Meiningen et de Cobourg ; mouvemens concertés des Russes et des Prussiens en Hanovre, des Hessois et des Prussiens sur le Rhin, autour de Mayence, des Prussiens et des Saxons en Franconie.

Alexandre quitta Potsdam, à la suite d’une de ces scènes

  1. Mémoires de Czartoryski, t. II, p. 18. Négociations qui ont précédé le traita du 11 avril 1805.
  2. Mémoires relatifs à l’acquisition du pays de Hanovre à la suite du traité de Potsdam, par Hardenberg. Ranke, t. V.