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On ne peut avoir que froideur ou dédain pour les hommes, quand rien de suprême ne commande l’amour. L’amour de Dieu et l’amour humain se portent l’un l’autre. La pitié n’est pas une inclination ordinaire ; l’être y met tout ce qu’il a de meilleur, — à ses dépens. Combien d’hommes enfin n’ont eu ni pitié ni tendresse pour les autres, qu’à la condition de sentir sur eux-mêmes la tendresse et la pitié de Dieu ?

L’orgueil de l’esprit ne souffre pas de paix bâtarde. Entre ce qui lui semble juste et le contraire, point d’alliance. Pas de charité. L’erreur n’est point un objet de pitié. Comme tant d’autres, Ibsen du moins n’essaie pas de me faire croire qu’il me dépouille pour mon bien, et que j’en sois plus riche.

La volonté pure, c’est la morale, jusqu’à un certain point ; mais c’est encore plus la loi de fer qui destine les uns à ne rien valoir et à en être châtiés, les autres à avoir un haut prix, à le connaître, et à frapper ceux qui ne l’ont point. Quel que soit, d’ailleurs, l’étalon de mesure. C’est peu que ma force fasse mon droit, elle en fait l’excellence.

La volonté pure n’a rien d’humain ; elle est cruelle comme un glaive, et sourde comme la mécanique. Qu’en semble à tous ces professeurs de fade humanité, ivres de vin doux et de raisons abstraites ?

Que tous les hommes soient purs : ils n’auront plus besoin de vouloir, ni de se faire quelque bien. En attendant, aux plus purs de vouloir pour tous les autres, — à eux de faire régner leur volonté. Leur droit est évident, s’ils le peuvent. Et, s’ils le font, à coups de hache. Cela s’est vu.

La morale sans charité est une espèce de méchanceté irréprochable. De là, que l’homme le plus pur peut paraître le plus méchant.

On délire plus aisément en morale qu’en persécution et en grandeur. La vertu facile est aussi une idée fixe. La morale parfaite est l’ennemie mortelle de la morale.

On fait une confusion, quand on se sert de l’esprit pour ruiner la conscience ; et non moindre si l’on s’en sert pour la fortifier. L’intelligence s’attaque aux lois de la morale, comme si elles étaient un produit de l’esprit. En rien : c’est une nécessité de la nature.

La morale est la face visible de la religion. Ruinez la religion ; mais ne vous flattez pas de sauver la morale. Même dans la reli-