Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dernier était assuré de la protection de l’Angleterre contre toute attaque de l’étranger et leur faisait savoir que si les troupes turques faisaient mine d’entrer à Koweït, les Anglais occuperaient la ville. La Turquie n’ayant pas insisté, l’Angleterre ne déclara pas son protectorat sur cet État. D’un commun accord, le statu quo entre les deux gouvernemens fut maintenu.

Mais le statu quo ne tranchait rien et l’avenir restait incertain. Il semble bien qu’une solution soit enfin survenue. Au cours de l’année 1902, la Turquie a occupé Sefouna, l’ile Boubian, Khadenna, Gassir, puis l’extrémité du mouillage de Khor Abdilla, et enfin Sabadych, à l’entrée même de la baie de Koweït, c’est-à-dire tout le pays intermédiaire entre l’embouchure du Chott-el-Arab et les environs de Koweït. De son côté, le gouvernement anglais, par l’organe de M. Balfour, vient de déclarer au commencement de 1903, à la Chambre des communes que « le chef de Koweït est le protégé de l’Angleterre et qu’il est lié avec elle par des traités spéciaux. » Ces paroles constituent la première déclaration officielle qui ait été faite du protectorat anglais sur Koweït.

L’Angleterre a de bonnes raisons pour vouloir dominer sur ce point. L’importance de Koweït, méconnue bien à tort par Lowett Cameron, apparaît aujourd’hui manifeste à tous les yeux. Il faut tout d’abord remarquer que Koweït, au fond du golfe Persique, est à peu près à la même latitude que Port-Saïd au débouché du canal de Suez dans la Méditerranée. Un chemin de fer reliant à travers l’Arabie centrale le golfe Persique et la Méditerranée ouvrirait une voie nouvelle qui, évitant au commerce le grand détour par la Mer-Rouge, serait la route la plus courte de l’Extrême-Orient et de l’Inde en Europe. De plus, l’ouverture de cette ligne mettrait aux mains de l’Angleterre un paissant instrument de domination sur l’Arabie. Installée à Port-Saïd et à Aden, prépondérante à Mascate et à Koweït, maîtresse ainsi aux quatre coins de l’Arabie et dominant les rivages par sa Hotte, l’Angleterre, par la construction de cette ligne, compléterait l’investissement de la grande presqu’île, qui pourrait alors tomber peut-être sans trop de peine entre ses mains.

De telles considérations ne sont pas sans avoir frappé l’attention d’esprits positifs. Signalée pour la première fois par Lowett Cameron, la possibilité de la construction de la ligne de chemin de fer Kowéït-Port-Saïd a été depuis l’objet d’études diverses.