bataille de Trafalgar, le désastre de l’Armada ; Nelson, mort dans sa victoire ; mais plus de marine française, plus de marine espagnole ; l’alliance, inutile à la France, odieuse à l’Espagne ; le projet de descente, l’espoir de tout finir d’un coup, ajourné indéfiniment ; l’Angleterre, maîtresse des Océans, en sécurité dans son île ; toutes les destinées rejetées sur le continent, tous les nœuds se nouant à cette extrémité de la vieille Europe où il s’enfonce avec ses 100 000 Français. Il s’impose le silence sur cette journée funeste de Trafalgar, et il le commande. « Le génie et la fortune étaient en Allemagne ! » lui écrit Talleyrand, courtisan jusque dans les catastrophes.
Autour de Napoléon, on murmure la sinistre nouvelle ; on en conclut que, trahi, sur mer, par la victoire, c’est le cas, pour l’empereur, de se montrer modéré sur le continent. Napoléon, au contraire, juge indispensable de frapper un grand coup d’éclat. Il affecte la sécurité, il prédit la victoire. « Je vous écris de Moravie, mande-t-il à Cambacérès, le 18 novembre. Vos finances vont mal ; vos banquiers sont bien mauvais. A mon retour à Paris, qui ne tardera que de quelques semaines, je m’occuperai d’y remédier. » Cette attention universelle du chef d’Etat doit manifester, aux yeux de ses ministres, aux yeux des Parisiens, la tranquillité de son âme. Le vingt-septième bulletin, du 19 novembre, annonce l’arrivée de la Grande Armée à Brünn ; il montre les Moraves étonnés de voir les peuples de l’Ukraine et ceux du Kamtchatka se battre, sur leurs terres, avec ces Normands, ces Gascons, ces Bourguignons inconnus. « Le sang humain est devenu une marchandise aux mains des Anglais !... L’empereur d’Allemagne s’est retiré à Olmütz. Nos postes sont à une marche de cette place. »
Napoléon s’arrête entre Brünn et Olmütz, pour donner aux troupes un repos nécessaire. Il s’établit dans une position centrale, entre les trois armées ennemies : la principale, Russes et Autrichiens, qui ont opéré leur jonction sur la Morawa ; l’archiduc Ferdinand, en Bohême, l’archiduc Charles, en Hongrie Il se contente d’observer ces deux dernières armées, objectifs secondaires. Il réunit toutes ses forces contre la première, « afin de la mettre hors de cause et de terminer ainsi la guerre d’un coup. » Le 20 novembre, il adresse à Soult ce billet fatidique : « Il est ordonné au maréchal Soult de se rendre à Austerlitz. »