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Bavière, la grande trahison de l’Allemagne par ses princes : la Prusse, au moins, resterait fidèle à « la patrie. »

Un conseil de ministres et de généraux se réunit le lendemain ; il émit l’avis que l’acte de Napoléon déliait la Prusse de tout engagement avec la France ; qu’il en serait donné avis à Napoléon ; qu’Alexandre en serait informé ; que le passage serait accordé aux Russes ; que les troupes prussiennes occuperaient le Hanovre. Le 9, les mêmes conseillers se prononcèrent pour la neutralité armée, et le roi écrivit à Alexandre : « Un événement inattendu a donné à toute ma manière d’envisager les affaires une tendance nouvelle, mais décisive... Tous mes devoirs sont changés. Si quelque chose me console. Sire, c’est qu’ils vont s’identifier avec les vôtres. J’ignore si, à la suite des premières mesures que j’ai prises, la rupture formelle éclatera sur-le-champ, ou si j’aurai le temps encore d’en concerter l’époque avec Votre Majesté. »

Prévenus par leurs informateurs, Duroc et Laforest payèrent de contenance. Mais les précédens allégués par Napoléon parurent une impertinence ajoutée à l’outrage. « Sa Majesté, répondit Hardenberg à Laforest, ne sait si elle doit s’étonner davantage des violences que les armées françaises se sont permises dans ses provinces, ou des argumens inconcevables par lesquels on prétend les justifier... Le roi se considère comme libre de toute obligation antérieure au moment présent. Il n’a plus d’autres devoirs que ceux de sa propre sûreté et de la justice universelle. Voir l’Europe partager la paix qu’il aspire à conserver à ses peuples,... consacrer à ce grand ouvrage sa médiation active, tel sera son premier devoir[1]. » Quant au Hanovre, il ordonne à Brunswick de l’occuper, et charge Hardenberg d’en avertir verbalement Laforest quand l’opération sera en train. Brunswick prit aussitôt ses mesures. « Hardenberg m’a informé confidentiellement que le roi a passé de notre côté avec toutes ses forces militaires, écrivait Metternich, le 15 octobre. Il faut quatre à cinq semaines pour que l’armée puisse être réunie dans le pays de Bayreuth. C’est à cette époque que la colonne russe qui traverse la Silésie peut également avoir atteint les frontières de la Bohême et que les armées réunies pourraient, de ce côté, agir dans un sens offensif convenu. »

Cependant les marches des Français ont été si précises, si

  1. Note à Laforest, 14 octobre 1805.