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elle perdra la Macédoine. De ce dénouement fatal, la date seule est incertaine. Nous en serions d’ailleurs tout consolés, si une Macédoine déclarée indépendante, mais convoitée furieusement et menacée par tous ses voisins, pouvait contribuer au maintien de la paix dans les Balkans. Par malheur, nul ne peut le croire. C’est pour cela que la Porte aurait encore beau jeu, si elle comprenait bien ses intérêts et si, — ce qui est encore plus douteux, — elle était capable de se réformer elle-même.


Nous ne saurions laisser disparaître, sans en saluer le souvenir, la figure très considérable de lord Salisbury. Depuis plus d’une année déjà, lord Salisbury avait pris sa retraite, et, depuis un peu plus longtemps peut-être, il avait cessé d’être pleinement ce qu’il s’était montré dans les beaux jours de sa carrière politique. L’âge s’était fait sentir sur sa tête, et aussi le chagrin d’un deuil très douloureux. On sentait en lui comme une sorte d’abattement. Il est possible encore que certaines tendances d’une politique nouvelle, dont il avait encouragé les débuts, mais dont les développemens étaient de nature à l’inquiéter, lui aient causé des soucis d’autant plus sérieux qu’il ne se sentait plus la force de les modérer. Quoi qu’il en soit, il a préféré se retirer des affaires et mettre, comme le sage antique, un intervalle de recueillement entre l’activité de la vie et le repos final de la mort.

Sa carrière politique a été racontée partout : nous n’y reviendrons pas. Il a rendu de précieux services à son pays et à son parti, et assisté au plein épanouissement de l’un et de l’autre. Cependant le parti conservateur, devenu unioniste, subit incontestablement une crise, et il est plus faible aujourd’hui qu’il ne l’était hier. Quant à l’Angleterre, l’avenir seul dira si la politique qui l’a fait entrer dans les voies de l’impérialisme lui a été bonne et salutaire. L’impérialisme a jeté et jette encore beaucoup de feux brillans ; mais il est trop tôt pour le juger, et tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’il a déjà profondément modifié les vieilles traditions de l’Angleterre, soit au dehors, soit au dedans : qui sait même s’il ne les a pas faussées ? L’initiateur de ce mouvement, Disraëli, a porté dans sa politique autant d’imagination que dans ses romans. Il a rattaché à ce mot d’empire des idées toutes nouvelles, en même temps qu’il en a fait sortir une couronne, pour la placer sur la tête de la reine Victoria. C’est lui qui l’a sacrée impératrice des Indes. Pourquoi des Indes seulement ? L’empire britannique s’étend bien plus loin. Mais le titre avait en soi « on prestige, et la politique générale s’en est ressentie. Lord Salisbury