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poudre de coquille de noix ou de noisette, que le microscope parvient pourtant à reconnaître. Moralité : n’acheter le poivre qu’en grains !


V

Tour à tour, nous avons parlé agriculture, industrie, chimie, usages domestiques. A présent un dernier point nous reste à envisager : le côté économique de la question. Mais nous serons aussi bref que possible.

Si l’on trace sur une carte de France une ligne partant de Marseille et se bifurquant è Paris pour aboutir d’un côté à Calais, de l’autre au Havre, cette diagonale, partiellement dédoublée indiquera la plus importante artère commerciale de notre pays et unira deux régions dont les intérêts sont en perpétuelle lutte. Entre le Sud-Est et le Nord-Ouest, il ne s’agit pas seulement de faire triompher la betterave ou la vigne : un autre conflit s’élève dont nous allons exposer le principe, les phases, l’état actuel.

D’après les auteurs compétens, le colza, vers 1870, n’occupait pas moins de 180 000 hectares au Nord et au Nord-Ouest de la France. Peu de cultures étaient aussi avantageuses à cette époque et les agriculteurs du Nord retiraient des produits du colza un revenu brut global supérieur à celui que les Méridionaux réalisaient par l’huile d’olive.

Maintenant comme autrefois, le colza se sème en pépinières en été pour se transplanter en automne. Au printemps apparaissent les grappes de fleurs jaune vif que tout le monde a distinguées en traversant dans cette saison la Normandie ou la Basse-Bourgogne. Quelques semaines après, la graine est mûre, ce que dénote sa teinte noirâtre ; on bat, au fléau ou à la machine, la plante coupée, et l’on recueille par hectare 20 à 30 hectolitres de graines, dont chacun représente 70 kilogrammes en poids. Avec le colza de printemps, risques moindres, car on évite les gelées désastreuses, main-d’œuvre plus économique, mais profits moindres aussi. Finalement les 70 kilogrammes se dédoublent en 25 kilogrammes d’une huile à odeur assez forte et 30 kilogrammes de tourteau azoté à 5 pour 100.

Culture très épuisante, exigeant beaucoup d’engrais (près de 30 000 kilogrammes de fumier de ferme, par exemple) et pour certaines terres un amendement calcaire, le colza présentait l’inconvénient,