Poste. Fameuse du temps des diligences, qui avaient leur relais principal au Vieux-Bourg, cette hôtellerie n’a pas changé de destination ; elle a seulement baissé d’un cran dans la hiérarchie commerciale : l’hôtellerie n’est plus qu’une auberge. Auberges aussi, l’église, la mairie, l’école et toutes les masures qui leur font suite et qui, trop misérables pour se payer le luxe d’une enseigne, se contentent d’accrocher une touffe de gui au-dessus de leurs portes. Et le voyageur qui traverse en temps ordinaire ce hameau singulier, exclusivement composé de cabarets, s’enquerrait volontiers si les débitans, pour se donner l’illusion d’une clientèle, n’ont pas fait la gageure d’aller boire à tour de rôle les uns chez les autres.
Renseignemens pris, le Vieux-Bourg est une façon de ville morte, déclassée administrativement au profit d’un bourg voisin, Miniac-Morvan, qui a hérité de sa mairie, de son école et de son église. Un jour seulement par année, le 2 décembre, le Vieux-Bourg renaît à la vie : comme par enchantement, les cinquante auberges de ses cinquante masures se remplissent d’une clientèle si pressée et si dense qu’il faut encore bâtir pour elle, au dehors, des pavillons, des hangars et des tentes, et que les habitans, des bénéfices rapportés par cette journée unique, tirent de quoi vivre sans rien faire les 364 autres jours de l’année. C’est que, le 2 décembre, le Vieux-Bourg n’est pas seulement le rendez-vous de tous les fermiers et fermières des localités voisines ; il ne s’y tient pas seulement un marché de bœufs, de moutons, de chevaux, de porcs et d’ânes : il s’y tient aussi un marché d’hommes. Des points les plus éloignés de la région, de la Ville-ès-Nonais, d’Erquy, de Ghâteauneuf, de Saint-Coulomb, de Cancale, de Dol, de Pleudihen, à pied, à cheval, en carriole, par chemin de fer, les gars à vendre, solides et bien marchands, accourent par centaines à la foire du Vieux-Bourg. Ils ont la démarche roulante, les yeux clairs, le cuir ocreux ; pour costume, des tricots, des vareuses et des bérets. La Patouillette, chez les paysans gallots, est le petit nom d’amitié de cette foire étrange, dont les pluies de décembre et le piétinement des animaux font communément un vrai bourbier ; les pêcheurs terreneuviers qui y vont chercher un engagement lui donnent un autre nom, moins trivial et plus grave : la Louée de la mer ou la Louée es marins (mé et marraw, en patois de la Haute-Bretagne).
On sait que, bien différente sur ce point, comme sur beau-