Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DEUX TABLEAUX


DE LA


VIE TERRENEUVIENNE




I. — LA LOUÉE DE LA MER

Qui passerait par le Vieux-Bourg à tout autre moment de l’année que le 2 décembre ne prêterait qu’une attention distraite à cette enfilade de masures branlantes, échelonnées le long des routes de Dinan à Dol et de Rennes à Saint-Malo.

Vainement vous chercheriez au-dessus d’elles la flèche d’un clocher, les bras d’un calvaire : ces masures semblent poussées là au hasard. Quelques-unes sont de vraies ruines, et la plupart ne tiennent debout que par miracle. Pourri d’humidité et mêlé aux poussières végétales en suspension dans l’atmosphère, le chaume qui les coiffait a fini par se résoudre en une sorte de tégument verdâtre, suffisamment riche en humus pour nourrir toute une flore de plein vent : glaïeuls, camomilles, renoncules pavoisent les toits, d’avril à septembre. C’est l’unique coquetterie de ces bicoques. Trois ou quatre constructions seulement, aussi surannées que leurs voisines, mais couvertes en ardoises et surélevées d’un étage, témoigneraient que le Vieux-Bourg connut des jours plus prospères. L’une d’elles, où s’enroulent les rinceaux d’un gracieux portail Renaissance, dut servir autrefois d’église paroissiale ; les autres étaient à usage d’école et de mairie ; la plus vaste, au croisement des deux routes, abritait l’Hôtellerie de la