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notre Compagnie[1] ; que l’Assemblée de 1656, — celle qui, avant 1661, fut la plus violente de toutes contre les protestans[2], celle où Henri de Gondrin, archevêque de Sens, déclara « que les réformés avaient ruiné, par leurs nouvelles entreprises, toutes les sages précautions dont Louis XIII avait arrêté l’inquiétude de leur génie, » celle enfin qui décida la Cour à ordonner l’envoi dans toutes les provinces de commissaires « chargés de connaître des infractions à l’Edit de Nantes[3], » — que cette Assemblée de 1656 fut aussi celle que la Compagnie du Saint-Sacrement excita le plus consciencieusement, endoctrina le plus abondamment sur le sujet des hérétiques. Et, si l’on était tenté de mettre en doute les effets de cette pression d’une compagnie privée sur un corps public, nous répondrions qu’il n’y a pas d’invraisemblance à supposer que, surtout dans un état de trouble et d’incertitude politique, comme fut toute la régence d’Anne d’Autriche, des prélats, assez faciles, si l’on en croit les médisances contemporaines[4], à intimider, n’aient été vivement impressionnés par les avis hardis, insistans, d’une société connue de quelques-uns d’entre eux, soupçonnée probablement de plusieurs autres, et dont le mystère augmentait le prestige. On imagine aisément ce que les fonctionnaires (on peut, sous Louis XIV, employer ce mot) de la Haute Eglise, pouvaient penser et craindre d’une société libre, assez répandue et assez bien informée pour leur rappeler, ou leur apprendre, ce qui se passait dans leurs diocèses ; assez sûre d’elle-même et de ses appuis pour leur dicter en quelque façon leur devoir. — Inquiets, sans doute, d’une surveillance ténébreuse qu’ils sentaient planer sur eux, ils devaient être inclinés à admettre que les sollicitations de cette « cabale d’« invisibles[5] » représentait bien en effet les réclamations de l’opinion catholique, et, de peur de paraître mous, ils suivaient avec docilité ces impulsions anonymes.

Mais la présomption la plus forte pour nous autoriser, d’ores et déjà, à attribuer à la Compagnie du Saint-Sacrement la plus

  1. Allier, p. 310 ss.
  2. Franck Puaux, dans la Revue historique, 1885, t. XXIX.
  3. Allier, p. 315.
  4. Voir soit les mémoires du P. Rapin, soit les documens jansénistes, et les livres de M. Gérin, Louis XIV et le Saint-Siège ; Recherches sur l’Assemblée de 1682
  5. Nom qui fut quelquefois donné (à Bordeaux, par exemple) à la Compagnie.