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III. — DÉMARCUES DE LA COMPAGNIE DU SAINT-SACREMENT CONTRE LES PROTESTANS, DE 1632 A 1666

C’est alors, — quand, de nulle part, dans la société française, sauf de quelques Parlemens fanatiques, de quelques prélats fougueux, ou, peut-être, des bas-fonds de la foule aveugle, ne partait une incitation ou un encouragement à la persécution, — que la Compagnie du Saint-Sacrement, par une initiative spontanée, restaure cette persécution délaissée, et ajoute à ses multiples besognes la surveillance et la gêne des réformés.

C’est vers 1632-1633 que, d’après Voyer d’Argenson, elle s’y met pour la première fois. Dès 1632, la Compagnie de Paris[1] « fait supprimer un libelle que les prétendus réformés avaient intitulé le Jubilé, plein de railleries et de blasphèmes contre l’Église romaine. »... Elle fait « dénoncer à M. le Procureur général un médecin huguenot de Loudun, qui, pour être dans l’office de receveur des tailles, avait simulé une abjuration publique de son hérésie : sur l’avis qui en fut donné au Roi, il y eut arrêt du Conseil qui déclara sa réception nulle... L’arrêt fut délivré gratis, et on l’envoya signifier sur les lieux aux dépens et par les soins de la Compagnie. » Enfin, comme « les prétendus réformés avaient trouvé moyen de faire recommander puissamment, et même par lettre de cachet, au premier président du Parlement, vingt-cinq postulans de leur secte pour être reçus procureurs, aussitôt que la Compagnie en fut informée, elle crut être obligée de s’opposer à ce désordre. Elle chargea divers particuliers d’en remontrer les mauvaises conséquences aux magistrats de leurs amis, et chacun agit avec tant de vigueur et de bonne conduite auprès des juges, qu’enfin les six conseillers qui furent députés pour examiner ces postulans le firent avec tant d’exactitude qu’ils n’en trouvèrent pas un seul capable d’être reçu procureur... Ainsi les hérétiques... sentirent l’effet des sollicitations de plusieurs parties dont ils ne connurent jamais pas une. »

On voit ici la première forme de cette multiple guerre : l’exclusion des fonctions publiques. La Compagnie use abondamment de ce moyen. En 1637, le groupe de Lyon « donne avis que les hérétiques étaient reçus dans l’assemblée des médecins de

  1. D’Argenson, édition de dom Beauchet-Filleau, p. 34-35.