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Elie Benoît, aux distractions sans cesse renaissantes que donnaient à Richelieu les intrigues factieuses du dedans ou les grandes guerres ou diplomaties du dehors ; — ou n’était-ce pas plutôt que le gouvernement ne tenait au fond qu’à manifester, avec un fracas intimidant, au sujet des protestans comme des autres corps de la nation, cette doctrine que tout devait plier sous le Roi, qu’aucune indépendance ne pouvait s’élever, qu’aucun droit ne pouvait valoir contre le Prince ? Toujours est-il qu’il se contentait fréquemment, à leur égard, de gestes d’autorité platoniques. Entre 1632 et 1636, parmi les mesures législatives qui les visent, il n’en est guère dont Elie Benoît lui-même[1] ne soit obligé d’ajouter qu’« elles n’eurent que peu ou point d’effet. » En 1632, ces Grands jours de Poitiers, avec leur appareil, « firent en somme, dit-il, plus de bruit que de mal. » L’arrêt de 1635, qui exigeait des pasteurs le serment de fidélité, eut peu de suite et ne fut jamais exécuté. « L’arrêt du 20 juin 1634 relatif aux annexes ne fut appliqué en Poitou, nous dit un historien moderne[2], que très longtemps après. » Cette inexécution, les Intendans parfois la sanctionnaient : ainsi Villemontée en Poitou. Une fois, c’est le P. Joseph lui-même, qui, en 1636, malgré les décisions des Parlemens de Toulouse et de Paris et les intentions exprimées du Roi touchant l’interdiction et l’expulsion des ministres étrangers, autorise le ministre Le Faucheur, Genevois, chassé de Montpellier, à entrer dans l’église de Charenton et à y exercer le ministère[3]. Même après 1636, où, nous l’avons déjà dit, ce régime de modération commence à se gâter, l’édit obtenu par le clergé contre les blasphémateurs, « malgré les essais que l’on fit d’en étendre les pénalités aux protestans, « ne causa pas, » dit Elie Benoît, « autant de mal » qu’on l’avait pu craindre[4]. Même en Dauphiné, où les évêques, nous l’avons vu, sont militans, des églises anciennes ou nouvelles, interdites, continuent d’exister, et il s’en fonde de nouvelles (Bezaudun, 1634, Vesc, 1642)[5]. En 1642 encore, à Gap, les « annexes » ayant été inquiétées de nouveau, la résistance courageuse des

  1. Histoire de l’Édit de Nantes, t. II, p. 529, 532, 541, 547, 550, 553, 554, 559, etc
  2. Lièvre, Histoire des Protestans du Poitou.
  3. Aymon, Synodes nationaux, t. I, p. 305 t. II, p. 526. Cf. O. Douen, ouurage cité, I, 173-174.
  4. Arnaud, Histoire des Protestans du Dauphiné, t. III.
  5. Cf. une lettre de Drelincourt à Rivet (1639) dars Douen, ouvragé cité, l, 182