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vieux terme de lutte et d’honneur, — huguenots. Des arrêts du Conseil permettent, « à ceux de nos sujets qui professent la religion tolérée par les Edits, » de travailler les jours de fête chômés par les catholiques, pourvu que ce soit à des métiers « dont le bruit ne puisse être entendu du dehors ; » ou bien ouvrent les écoles catholiques aux enfans protestans, en stipulant « qu’ils ne pourraient pas être induits à faire des exercices contraires à leur religion. » Et, en 1638, au moment de la naissance du Dauphin, le gouvernement ne songe pas à empêcher les protestans de se munir, en quantité, de « lettres royaux » qui leur donnaient ou la noblesse avec tous ses privilèges, ou la liberté d’exercer leurs métiers et professions.

Même, durant cette période, le gouvernement a plus d’une fois le mérite, soit de résister à la pression de quelques évêques exaltés ou de Parlemens chicaneurs, soit de se rétracter lui-même. C’est ainsi qu’en 1635, les protestans d’Annonay obtiennent gain de cause[1] au Conseil du Roi contre un seigneur qui veut fermer le temple ; qu’en 1637[2], le secrétaire d’État La Vrillière s’oppose aux mesures rigoureuses que l’évêque de Montpellier, Pierre Fenoillet, voulait prendre pour entraver les mariages mixtes ; qu’en 1633, le Roi, revenant sur les prohibitions, faites par les Parlemens ou par lui-même, touchant la prédication dans les Annexes, « dit et déclare qu’il n’a point entendu et qu’il n’entend point empêcher les ministres de prêcher dans tous les lieux permis par l’Édit, encore qu’ils n’y fassent pas actuellement résidence. »

Il est vrai que bientôt, — dès 1634, et de nouveau en 1636, — le Conseil du Roi se reprit à défendre à tous les ministres de faire « aucun exercice en dehors des lieux habituels de leurs demeures. » Mais c’est qu’en l’espèce, comme aussi en ce qui concerne le droit d’exercice concédé aux seigneurs protestans (où il s’agissait de savoir s’ils pouvaient mobiliser, pour ainsi dire, ce droit et le transporter à leur gré dans tous les lieux de leur domaine), — dans ces deux cas, la question ne laissait pas, — en dehors de toute espèce de fanatisme, — d’être délicate.

Qu’il fût juste et bon, socialement, de la résoudre par l’affirmative, d’interpréter avec largeur les droits de prédication ambulante et d’exercice personnel, accordés par l’Edit de Nantes,

  1. Bulletin de la Société du Protestantisme français, t. I, p. 285 et suivantes.
  2. Ibid., t. V, p. 36.