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disposition libre et la distribution de cette dernière somme ; — il laisse le synode s’occuper, sans gêne, de toutes les matières d’organisation et de juridiction que les précédens avaient accoutumé de régler, et où il eût été bien facile à Richelieu de s’immiscer sous mille prétextes ; — il lui permet de rejeter et de répudier, avec la même vivacité que le faisaient, trente ans auparavant, les survivans farouches du XVIe siècle, ces tentatives en vue de « mêler les deux religions et de les confondre en une seule, » que, précisément, Richelieu était déjà en train, nous assure-t-on, de préparer ; — et cela, pendant que, le synode, dans un « décret » fort important et destiné à un vaste retentissement, proclamait hardiment la solidarité des calvinistes français avec leurs « frères luthériens[1]. » Dans tous ces « règlemens, » généraux aussi bien que particuliers, le synode de 1631 jouit, malgré la présence d’un commissaire royal, d’une si pleine indépendance[2], qu’invité par le Roi, le 21 septembre, à se séparer après vingt et un jours de session, il se proroge de sa propre autorité jusqu’au 10 octobre, — « jusqu’à ce qu’il eût touché les deniers que Sa Majesté lui avait promis. »

Dans le même temps (1633, 1635, 1636), des arrêts du Conseil[3] interdisent aux catholiques d’appeler les protestans hérétiques, ou même, — malgré la saveur que Balzac trouvait à ce

  1. Ch. XXIII du Synode de Charenton : « Décret » rendu sur une demande de la province de Bourgogne. Cf. La décision de plusieurs questions relatives aux rapports avec Genève (ch. XIX, art. XIV, XL ; ch. XXIII, art. XX).
  2. Aymon, II, p. 467. — On a observé avec raison que le Synode de 1631 témoigna, sur plusieurs points importants, à l’égard du gouvernement, d’une fermeté et d’une obstination qui réussirent. C’est ainsi que le Roi ayant ordonné, dans une vue politique facile à comprendre, « que désormais aucun étranger » à chaque église, « mais seulement les membres de chaque église particulière assisteront aux sessions consistoriales » (ch. XIII, Aymon, II, p. 472), le Synode résista et chargea le commissaire royal de faire retirer cette prétention. — C’est ainsi que, malgré l’intention exprimée par le Roi et les représentations du commissaire royal, le Synode persista à vouloir que les Synodes ultérieurs se tinssent par toute la France, et pas seulement à Charenton. — C’est ainsi, enfin, que, quoique le Roi eût interdit aux étrangers d’exercer en France le ministère pastoral, — interdiction qui n’était pas, il est vrai, rétroactive au delà d’une certaine date, mais qui avait été expressément renouvelée dans la harangue du commissaire (II, p. 455), — ce fut un étranger, le célèbre Jean Mestrezat, de Genève, qui, député par l’Ile-de-France, fut élu modérateur du Synode ; — acte qui était loyal, mais hardi.
  3. Cités par d’Avenel, t. III, p. 406 et suivantes.