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à défaut de documens précis, c’est que, dans les poursuites judiciaires intentées alors en divers lieux contre des « exercices » et autres droits ou privilèges des protestans, les curés, au moins de campagne, paraissent rarement comme demandeurs[1]. Et peut-être avaient-ils alors, pour ménager leurs ouailles protestantes, d’autres motifs encore que l’intérêt matériel et le souci de leur popularité ou de leur repos. Leur ignorance les aidait peut-être à la tolérance. Il n’y avait pas longtemps qu’à Angers, à Auxerre, les évêques avaient dû leur interdire tantôt d’« assister aux prêches, prières et autres actes de la religion prétendue réformée, » tantôt même de présenter, après la communion, aux fidèles un calice rempli d’eau et de vin, par une espèce de simulacre de communion sous les deux espèces et de complaisance pour les calvinistes[2]. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il y avait alors en France, au moins dans l’Est, des exemples analogues à ceux qu’offraient certains pays allemands, d’un bon ménage des deux religions allant parfois jusqu’à la cohabitation fraternelle dans des temples partagés[3].

Parmi les évêques, il y en avait sans doute quelques-uns, qui, avant même les sollicitations de la Compagnie du Saint-Sacrement, partaient en guerre contre les hérétiques. J’en vois cinq ou six à coup sûr : les évêques d’Orléans et de Saintes, l’archevêque de Tours, mais surtout ces évêques du Dauphiné[4], qui, dès 1629, à une date où la Compagnie ne faisait que de naître, mirent en train la célèbre campagne contre les annexes, destinée à emprisonner rigoureusement l’action des ministres protestans au seul endroit de leur domicile ou de « l’exercice » légal. Mais qu’aux environs de 1623, on pût citer beaucoup de ces belliqueux, j’en doute. Je constate, au contraire, qu’à Montauban même, l’évêque, — un vieux ligueur pourtant, Murviel

  1. A Paris même, en 1621, lors de l’émeute populaire où le temple de Charenton fut détruit, les curés, comme les Capucins, se conduisirent généreusement envers les protestans. Voyez O. Douen, ouvrage cité, t. I, p. 21.
  2. Voir Fisquet, France épiscopale (aux chapitres de ces diocèses).
  3. « A Vaudrevange, sur les confins de la Lorraine, » raconte Pontis dans ses Mémoires, « l’église des catholiques sert aussi de prêche aux huguenots ; le curé et le ministre vivent en parfaite intelligence l’un avec l’autre ; les dimanches les catholiques entendent la messe de huit heures du matin à dix heures et à dix heures ils font place aux huguenots, s’entre-saluant fort civilement les uns les autres. « (Collection Michaud, p. 631 (à l’année 1643).
  4. Elle Benoit, t. II, p. : 107 ; Caillet, l’Administration sous Richelieu, t. I, p. 185 et suivantes ; Arnaud, Histoire des Protestans du Dauphiné t. II.