somme, d’adoucissement des mœurs, d’affinement intellectuel et d’analyse critique, simultanément poursuivis, entre 1610 et 1660, par les femmes et les « beaux esprits « des salons et par les logiciens de la grammaire ou de la philosophie, ces efforts étaient incompatibles, trop évidemment, avec un réveil de l’intolérance barbare du siècle passé. L’esprit de persécution était chose vilaine et surannée, contraire à la saine raison et à la noblesse des sentimens comme à la douceur de la société et de la « conversation » humaine. Aussi bien les déclarations des « beaux esprits » les plus autorisés touchant les relations entre catholiques et protestans sont-elles d’une générosité précise. « Je vous proteste, monsieur, écrivait Balzac à Conrart, que je n’ai pas plus d’aversion pour les huguenots que vous n’en avez pour les catholiques. Puisque la bonne persuasion est un don de Dieu et une pure grâce du ciel, je ne suis pas si injuste que d’accuser un homme de sa pauvreté et de vouloir mal à un courtisan parce qu’il n’est pas en faveur[1]. » « Ces honnêtes gens ne vétillaient pas sur la religion, » écrit plus tard le protestant David Ancillon. Or, c’étaient pourtant d’« honnêtes gens, » eux aussi, des esprits polis et délicats, que les membres de la Compagnie du Saint-Sacrement. Et Antoine Godeau[2], le « nain de Julie, » cousin et ami de Conrart, « ancien de l’église de Charenton, » ami du célèbre ministre Daillé, de Gombaud, de Perrot d’Ablancourt, de Pellisson, protestans notables ; Godeau, qui, après sa conversion, fit partie de la Compagnie, aurait pu ouvrir les yeux et les âmes de ses collaborateurs aux exemples de bénignité philosophique et de charité chrétienne que l’hôtel de Rambouillet et l’Académie donnaient aux dévots.
Mais il y a plus. Dans l’Église même, il s’en fallait qu’un fanatisme belliqueux fût l’état d’esprit commun et dominant. Pour ce qui est du bas clergé, ce que nous pouvons remarquer,
- ↑ . J’ai cité ailleurs (Bossuet, historien du Protestantisme, t. I. ch. Il) d’autres textes de ce genre. Cf. Bourgoin, Conrart, p. 292-293, 286 ss., et O. Douen, la Révocation de l’Edit de Nantes à Paris, t. 1, p. 7 ss.
- ↑ M. Allier, dont le livre offre plus d’un de ces détails curieux et nouveaux, note (p. 236) que Godeau, en 1631, à son passage à Aix, se prêta aux charitables intentions du chevalier de la Coste, le pieux « serviteur des galériens, » et qu’en 1651 (p. 89), il rédigea une « Exhortation aux Parisiens pour le secours des pauvres de Picardie et de Champagne, où. il est prouvé par des passages formels de l’Écriture Sainte, par les autorités des Saints Pères grecs et latins et par des raisons invincibles que l’aumône en ce temps est de précepte et non pas de conseil. » Cf. l’abbé Tisserand, Étude sur Godeau, p. 80 et suivantes, Bourgoin p. 64, 86, etc.