Il faut d’autant moins nous attendre à tirer de l’étude des finances américaines des comparaisons utiles à notre but que nous sommes en présence d’un pays où l’intervention de l’Etat dans la vie économique est, heureusement pour les citoyens de la grande République, réduite au minimum. Nous n’y trouvons ni chemins de fer, ni télégraphes, ni téléphones publics ; point de monopoles d’aucune sorte : ni tabacs, ni poudres et salpêtres, ni allumettes, ni produits de manufactures nationales. On ferait sourire les Yankees à la pensée de confier à des fonctionnaires le soin de fabriquer certaines marchandises ou de les transporter. Le réseau de l’Union Pacific qui, par suite d’avances consenties par le Trésor fédéral, devait retomber entre ses mains, a été vendu par lui a un groupe de capitalistes qui l’ont réorganisé et l’exploitent. Aussi le budget est-il d’une grande simplicité : les seules dépenses sont celles de l’armée, de la marine, des affaires étrangères, des affaires indiennes, de la perception des impôts fédéraux et du service postal, qui a paru devoir être réservé au gouvernement central pour former une sorte de lien entre les États particuliers. Le budget militaire y présente un caractère spécial : ce n’est pas à des augmentations d’effectifs que les crédits sont en majeure partie consacrés. Aussitôt la guerre espagnole terminée, les Américains ont eu la sagesse de résister à ceux qui leur conseillaient de mettre sur pied des cadres beaucoup plus considérables qu’auparavant : ce n’est ni dans le budget de la Marine, ni dans celui de la Guerre proprement dite que nous trouvons les plus gros chiffres ; c’est dans le célèbre chapitre des pensions allouées aux survivans de la guerre de Sécession et à leurs familles, que s’engloutissent des centaines de millions de francs.
En dépit de cette extravagance, — car la plupart de ces fonds servent d’instrument politique, et non pas de soulagement à des infortunes réelles, — le budget fédéral se solde en excédent. Il serait donc aisé de supprimer ou de réduire les droits de douane qui frappent à l’importation un grand nombre de marchandises étrangères ; des intérêts industriels tout-puissans s’y opposent. Le problème consiste alors à trouver un emploi à ces excédens. Tandis qu’en France, nous votons des dépenses, sans nous préoccuper de savoir comment nous nous procurerons ensuite les ressources nécessaires, et que nous sommes à chaque instant acculés à l’emprunt ou à l’impôt nouveau, à Washington,