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Et tout semble envahi par une ample marée
De pourpre, de topaze et d’ambre, submergeant
Les vieux chênes de bronze et les bouleaux d’argent.
Dont ruissellent les fûts d’une lueur dorée.

Car le soleil y glisse en effluves épars
Dont la chute légère et par degrés verdie,
Ayant illuminé l’azur qu’elle incendie,
Se nuance aux reflets jaillis de toutes parts

Seul, j’avance parmi la forte odeur de sève,
Dans la clarté fluide où frissonne parfois
Cette mystérieuse âme triste des bois,
Qu’un souffle on ne sait d’où venu gonfle et soulève.

Je regarde, j’écoute et j’aspire. Mes sens
Sont baignés dans la fraîche atmosphère, et, comme ivre,
Je crois dans les forêts fabuleuses poursuivre
Des chimères et des rêves éblouissans.

Et ce sont des lointains de gloire, des magies
Où nagent des oiseaux fantastiques, où l’œil
Toujours émerveillé découvre avec orgueil
Les sites apparus et les formes surgies.

Ce sont des visions de légende, des ciels
Qu’évoque la mémoire ou que le songe explore
Épanouissement d’une géante flore
Dont la puissance éclate en jets surnaturels…

Et l’autre mer, la mer sans cesse inassouvie
Que jalonne partout d’embûches le trépas,
Dans ses gouffres les plus vertigineux, n’a pas
Un tel débordement de couleurs et de vie.


LE CŒUR


Acceptant sans plier tous les coups du Destin,
Mon cœur est l’arbre altier que l’ouragan dénude,
Bien que, dressé dans son ingrate solitude,
L’épreuve l’ait rendu plus fort et plus hautain.