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mer, cette côte montueuse a une largeur de 150 kilomètres.

Elle est inhospitalière à l’Européen. Située sous l’équateur thermique, comme le littoral du golfe Persique, elle a un climat caractérisé par un soleil dévorant ; aucune facilité d’accès à l’intérieur, aucune rivière navigable ; pas d’arrière-pays qui puisse fournir des alimens au commerce extérieur. C’est un des pays les plus déshérités du globe. Les seules parties susceptibles de culture sont, dans l’intérieur, des bandes étroites de terrain d’alluvion dans les ravins. Dans ces endroits privilégiés, trop rares, vit une population rude, vigoureuse, à demi sauvage, prompte aux coups, aimant le pillage, se pliant difficilement à une autorité quelconque, ayant les qualités, mais aussi les défauts de la race arabe. Si l’Hadramaout n’avait pour lui que la valeur propre du sol, que son climat et que ses produits, il n’aurait jamais attiré les conquérans et les envahisseurs. Mais cette côte de l’Arabie méridionale est sur la route qui mène de l’Europe aux Indes par la Mer-Rouge. Le maître de cette côte peut surveiller tout le mouvement du commerce maritime international dans l’océan Indien, défendre les abords du golfe d’Aden, commander la route maritime des Indes par la Mer-Rouge, et cette position géographique ne pouvait manquer d’attirer les convoitises des maîtres européens de l’Inde, qui ont considéré la possession de l’Arabie méridionale comme le complément nécessaire de la possession de l’Hindoustan. Déjà, au XIVe siècle ; les Portugais s’étaient établis à Aden, comme ils s’étaient établis à Mascate et à Ormuz, et ils ne quittèrent le pays que lors de la décadence de leur domination dans l’Inde.

Au commencement du XIXe siècle, les Anglais avaient occupé Périm. Forcés d’évacuer cette île, en raison de l’insalubrité du climat, comme ils durent évacuer les îles du golfe Persique, ils cherchaient un endroit pouvant servir de point de relâche et de station de ravitaillement pour leurs escadres, quand le capitaine Haines, qui relevait, en 1834, l’hydrographie de la côte méridionale de l’Arabie, signala le port d’Aden. Certes, il est impossible d’imaginer sous un soleil dévorant rien de plus nu, de plus aride que les plages avoisinantes : ni fruits, ni sources, pas d’eau potable. Mais les avantages de la position au point de vue maritime sont incomparables. La baie est spacieuse, limitée à l’est et à l’ouest par deux presqu’îles rocheuses, dont l’une, nommée le cap d’Aden, dressant ses pics semblables à des tours et