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des populations de l’intérieur, de pénétrer toujours plus avant d’être engagé dans des guerres sans fin ? Ne serait-on pas amené enfin par la force des choses à abandonner les procédés tout pacifiques qui présidaient alors à la direction des affaires coloniale et à leur substituer une politique de violences, d’agressions et de conquêtes ? Quel surcroît d’obligations militaires pour la métropole, quelles dépenses pour ses finances et pour celles de l’Inde !

Il n’entrait donc pas alors dans les vues de la politique britannique d’enlever leur indépendance aux États de Zanzibar et de Mascate. Exercer sur eux une sorte de suzeraineté morale, recueillir les bénéfices que lui assuraient des relations historiques et amicales remontant au commencement du siècle et la position géographique de l’Inde, se réserver la suprématie commerciale dans ces mers, lui suffisait. Elle recherchait les résultats de l’annexion sans avoir à en supporter les charges. La convention de 1862 n’était pas en contradiction avec ce programme. Il faut bien reconnaître aussi qu’elle avait un avantage fort sérieux pour l’Angleterre : elle était avant tout une mesure de précaution contre la France. Si, en effet, elle empêchait le gouvernement britannique d’annexer Mascate, elle empêchait en revanche le gouvernement français de procéder pour son compte à cette annexion : et, tandis qu’il restait loisible à l’Angleterre de consolider son influence dans cet État, il était interdit à la France de ruiner par une mainmise sur le pays le résultat de tout un siècle d’efforts laborieusement acquis. Pourvu qu’aucune atteinte ne fût portée à la souveraineté externe du sultan (et cela n’entrait pas dans les calculs du Foreign-Office), le gouvernement britannique pouvait se croire fondé à employer tous les moyens nécessaires à la poursuite de son œuvre de pénétration. Déjà il tenait le sultan de Mascate par les traités antérieurs, par les services rendus, par la garantie du paiement d’un tribut annuel ; il allait pouvoir désormais, rassuré du côté de la France, suivre d’un œil attentif et vigilant les moindres incidens qui surgiraient et les faire tourner au profit de ses intérêts.

Aussi la convention de 1862 n’apporta-t-elle aucune entrave au développement de l’action du gouvernement britannique et à l’affirmation de sa suprématie, et l’on peut dire même que c’est depuis la signature de cette convention que la diplomatie anglaise a remporté à Mascate ses plus marquans succès. C’est ainsi qu’en 1873, le sultan de Zanzibar s’étant soustrait à l’obligation