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navigateurs portugais, les échanges des denrées les plus précieuses de l’Orient et de l’Occident. Les navires venus des Indes et de la Chine y arrivaient, et y chargeaient les riches produits de la Perse et de l’Arabie. Ormuz était la gloire et l’orgueil des Portugais. « Si le monde, disaient-ils dans leur langage imagé, était un anneau d’or, Ormuz en serait le diamant. »

C’est pourtant à cette place que la Compagnie anglaise des Indes, bien qu’elle fût à ses débuts, osa s’attaquer. Mais, trop faible pour risquer seule ses forces dans une telle entreprise, elle fit appel aux Persans. Unis à ces derniers, les Anglais vinrent en 1622 mettre le siège devant Ormuz. Les Portugais firent une belle résistance et pendant plus de deux mois repoussèrent tous les assauts ; mais, n’étant point secourus, ils durent capituler. La ville fut pillée et détruite. La chute d’Ormuz retentit dans tout l’Orient et fut pour le Portugal le commencement de la décadence de son commerce et de sa domination dans l’océan Indien. Les habitans des deux rives du golfe Persique, Arabes et Persans, se soulevèrent, les bloquèrent dans leurs forteresses et les réduisirent à une situation précaire. Mascate finit par succomber à son tour en 1648, et il suffit, pour chasser les Portugais de cette place, des efforts combinés de quelques tribus arabes.

Mais la Compagnie anglaise des Indes était alors trop faible et disposait de trop peu de ressources pour poursuivre ses entreprises contre les Portugais, et ce furent les Hollandais, dont les flottes dominaient alors les mers, qui s’arrogèrent la prétention de se substituer à ces derniers dans l’océan Indien. Après avoir chassé les Portugais de Ceylan et de Malacca, les Hollandais s’établirent sur la côte de Coromandel, dans l’Hindoustan, et voulurent à leur tour mettre la main sur la route du golfe Persique. Ils se rendirent maîtres des îles du golfe et de plusieurs forteresses du littoral qu’ils enlevèrent aux Portugais, et adoptèrent pour quartier général l’île de Kharag, position bien choisie à l’extrémité nord du golfe, à proximité de l’embouchure du Chatt-el-Arab. De là, ils interceptaient tout le commerce de Bagdad et de l’Anatolie avec l’Inde et envoyaient expéditions sur expéditions à la fois contre les Portugais, les Turcs, les Arabes et les Persans. Le résultat de ces luttes, qui durèrent jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, fut l’expulsion totale des Portugais ; mais les Hollandais durent subir à leur tour le même sort. Trop faibles pour résister aux efforts combinés des musulmans, ils durent