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ne ressemblent pas aux grandes agglomérations centralisées des nations occidentales ; ils se composent de tribus ayant leur organisation particulière, une existence séparée, et n’étant reliées entre elles par aucun patriotisme commun. La plupart n’ont qu’une faible étendue de territoire : parfois une seule oasis, une seule vallée, un seul massif de collines constitue le domaine d’un corps politique distinct. Et même l’indécision régnait naguère au sujet de la situation politique internationale de ces divers groupemens. Sont-ils ottomans ? Sont-ils indépendans ? Sont-ils protégés ? C’est une question qu’on se posait et que l’Angleterre, qui bénéficie de l’équivoque, est en train de résoudre à son profit. C’est ainsi que, sur la côte orientale, elle a annexé le groupe d’îles de Bahréïn, pris pied à Kowéit et dans la presqu’île de Katar ; son influence est prépondérante à Mascate. Sur la côte méridionale, elle a pris possession de l’archipel de Socotora et de celui de Kourya-Mourya, et elle vient d’établir définitivement, en mars 1903, son protectorat sur tout l’Hadramaout. A la suite de cette annexion si récente, toute la côte méridionale et la côte orientale d’Arabie, à l’exception de la province turque de l’Hasa, se trouve ainsi placée sous le protectorat officiel ou tout au moins sous la tutelle morale et officieuse de l’Angleterre.

Mais, de l’autre côté du golfe Persique, sur le littoral persan, la politique anglaise s’est heurtée à un rival d’autant plus redoutable qu’il est voisin immédiat, par ses possessions asiatiques, du plateau de l’Iran. Les Russes se sont emparés des vallées transcaspiennes, ont saisi les forteresses les plus importantes de l’Arménie et détiennent les passages qui leur permettraient de lancer leurs armées sur Téhéran. De l’autre côté de la mer Caspienne, ils ont également conquis plus d’une position d’où il leur serait facile d’attaquer les régions vitales de la Perse, et ils sont à l’entrée même de la route des Indes par la vallée de l’Héri-Roud. Leur influence se fait surtout sentir dans la Perse du Nord. Les efforts de l’Angleterre se sont surtout concentrés sur le littoral du golfe Persique et sur la partie méridionale de la Perse où elle a acquis une suprématie commerciale et maritime incontestable. Entre les deux puissances, la lutte se poursuit, en ce moment, plus âpre que jamais. Longtemps concentrée sur le terrain diplomatique, elle s’est portée en ces derniers temps sur le terrain des intérêts commerciaux, des entreprises industrielles et des grands travaux publics. C’est la conquête économique de