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D’un côté, enveloppement et convergence des feux, de l’autre, initiative et force morale, tels sont les principes qui doivent, avons-nous dit, nous servir de bases. Ces principes, comment les appliquerons-nous, comment en recueillerons-nous les fruits ?

Supposons l’escadre composée de nos nouvelles unités, 9 par exemple, en présence d’une force navale ennemie comptant le même nombre de bâtimens, mais dont la vitesse maxima réelle arrive difficilement à 17 nœuds, tandis que celle des nôtres atteint 21 nœuds et s’y maintient sans effort.

L’adversaire aperçu[1], son ordre de marche et la route qu’il suit reconnus, le commandant en chef déploie l’escadre en la faisant virer de bord, comme s’il voulait prendre chasse devant l’ennemi, et la forme en angle de retraite. De cet angle il occupera le sommet en se tenant au même cap que les bâtimens qui s’approchent et dans le prolongement de leur ligne ou de l’axe principal de leur formation. A la droite et à la gauche du navire amiral, nos huit autres unités prennent leurs postes en relevant le commandant en chef à 60 degrés environ de la route commune et en s’espaçant de 1 000 à 1 200 mètres, de manière à former une tenaille très ouverte du côté de l’adversaire, une sorte d’arc à grand rayon sous-tendu par une corde de 8 000 à 9 000 mètres. L’allure sera réglée de telle sorte que l’escadre ennemie arrive jusqu’à 4 000 mètres des nôtres, distance à laquelle le feu sera ouvert et qui sera maintenue, si on la juge favorable à l’efficacité de notre artillerie, en prenant la même vitesse que l’adversaire. Dans cette position, — il est facile de s’en assurer par un graphique, — la tête de colonne ennemie sera battue par des feux convergeant dans un secteur de 100 degrés environ. Et comme, sur chacun de nos bâtimens, 7 ou 8 canons de 24 centimètres pourront tirer, on voit que les premières unités de l’ennemi seront écrasées par le tir rapide de 65 à 70 pièces, lançant par minute 200 obus de 170 kilos. Notons que c’est là un minimum, car précisément, en raison de leur écartement et aussi de la réserve de vitesse qui leur permet de regagner leur poste après une forte embardée, nos cuirassés peuvent venir alternativement sur un bord ou sur l’autre pour

  1. La composition de notre escadre, la grande vitesse dont dispose chacune de ces unités, nous dispensera de lui adjoindre une division légère formée de croiseurs cuirassés. Les trois divisions cuirassées feront à tour de rôle le service d’exploration.