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Elle y prodigue, cela va sans dire, son argent. Elle est la restauratrice des édifices du culte délabrés, la pourvoyeuse des églises dénuées d’ornemens ou d’objets sacrés. Elle est la bienfaitrice habituelle de ces communautés monastiques qui s’étaient multipliées, sans prévoyance et sans mesure, en France, dans les trente premières années du siècle ; qui, même en temps ordinaire, se faisaient tort les unes aux autres, ne subsistaient qu’aux dépens des villes, et, lors de la Fronde, tombèrent dans une complète détresse. Elle est la providence des « pauvres prêtres, » des prêtres « mendians, » nombreux alors. La Compagnie de Paris voudrait leur offrir une maison de refuge ; elle leur ménage, du moins, une place dans son hôpital général ; elle envoie à ceux de la Thiérache des « soutanes toutes faites. » Elle est encore la banquière de ces missions que le Père Joseph[1] et saint Vincent de Paul, dans le même temps, lançaient partout. La Compagnie de Paris fait, dit D’Argenson, « un fonds spécial pour les missions du Levant, et, de 1653 à 1661, elle fournit à celles des Hébrides, des Orcades, de Genève, des îles d’Amérique, de l’Amérique méridionale, du Tonkin, des contributions merveilleuses. »

Toutefois sa collaboration aux œuvres de l’Église catholique n’est pas seulement pécuniaire.

Pour les missions, par exemple, elle ne se borne pas à soutenir de ses aumônes celles qui existent : elle en fait elle-même, je veux dire qu’elle en suscite de nouvelles, dont elle organise l’action. C’est en 1639, surtout, d’après son annaliste, que ce « zèle » particulier « s’échauffa puissamment » chez elle. Zèle intelligent qui va d’abord au plus pressé et au plus près. Beaucoup de paysans lorrains, picards et champenois, chassés par la guerre, s’étaient réfugiés sous les murs de Paris et campaient à La Chapelle. La Compagnie crut qu’il fallait avant tout catéchiser ces foules ; elle « leur procura une mission tout exprès[2]. » Puis c’est « l’Hôpital des Petites-Maisons, » le village de Villeneuve-Saint-Georges, qui, « par ses soins, » sont visités et prêchés. Puis les environs de Tulle, le bailliage de Gex, les Cévennes, — à cause des Protestans, — et l’ « on poussa même jusqu’au Levant. » En 1653, cette dévotion aux missions se ranime. Quand la Fronde est à peu près finie, et que la Compagnie a essayé d’en réparer, autour de Paris, les dégâts matériels, elle organise dans

  1. Cf. Fagniez, Le P. Joseph et Richelieu, t. Ie.
  2. D’Argenson, p. 82.