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possédait désormais, sur la France, des « droits » auxquels il pouvait renoncer ! Illuminé un instant de la grâce royale, il consentit, et une sorte de pacte de famille fut signé, en conséquence, dans les derniers jours de décembre 1804[1]. Le 1er janvier 1805, Napoléon en informa l’empereur François : « De concert avec le gouvernement de la République italienne, j’ai cédé tous mes droits, sur ce pays, à mon frère Joseph, que j’ai proclamé roi héréditaire de cette contrée. »

Mais, soudain, Joseph refuse. La grâce impériale l’emporte sur la royale. C’est à la succession de France qu’en voulait décidément ce Corse, si fier, dix ans auparavant, de son « beau mariage » avec une jeune bourgeoise de Marseille qui lui apportait 150 000 francs de dot et des relations dans les « Echelles du Levant. » La couronne d’Italie, secondaire et subordonnée, lui semblait payée trop cher, au prix de ses « droits. » Il eut soin, d’ailleurs, de colorer son refus de motifs qui, le cas échéant, rendraient souhaitables aux Français la réclamation de ces fameux « droits. » Il ne voulait régner, disait-il, que sur un peuple à lui, son peuple : il aurait exigé l’évacuation de toutes les forteresses italiennes par les armées françaises. Cobenzl en reçut la confidence, d’autres aussi, et l’on s’explique comment, dans les traités du 11 avril, la Russie et l’Angleterre se montrèrent si conciliantes à l’égard de ce Bonaparte et si disposées à lui attribuer une part des dépouilles de la République italienne et de l’Empire français.

Déçu et, à vrai dire, joué de ce côté, Napoléon se rejeta sur Louis. Ce prince, malgré son hypocondrie, se montra tout aussi jaloux que son aîné de régner sur la France, et tout aussi dédaigneux de la Couronne de fer des Lombards. Les voyant si peu dociles à le servir, durant sa vie, si âpres à spéculer sur sa mort, ne pouvant, dans l’état des affaires, laisser l’Italie en suspens, il décida de se l’attribuer, au moins provisoirement. Il se la fit donc offrir par la consulte, ainsi que naguère, à Lyon, la présidence de la République, et, le 17 mai, il publia le statut du nouveau royaume. « Nous avons conquis la Hollande, les trois quarts de l’Allemagne, la Suisse, l’Italie tout entière ;… nous n’avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours

  1. Frédéric Masson, t. III, p. 11 et suiv ; Rœderer, t. III, p. 520 : Propositions faites à Joseph Bonaparte ; Beer, p. 85.