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l’orthodoxie dont il avait la garde. Partout son autorité était acceptée mieux, hélas ! que chez nous. Mais c’est chez nous, il faut bien le dire, que les questions les plus graves se sont trouvées posées dans les conditions les plus délicates, parce qu’elles ont été troublées, dus le premier jour, par les violences des partis. Celui qui est aujourd’hui au pouvoir, non pas tant par la présence de quelques ministres provisoires que par l’influence profonde et probablement durable qu’il y exerce, a déclaré la guerre à l’idée religieuse elle-même. La loi du 1er juillet 1901 et tout ce qui l’a suivie, la dispersion d’un grand nombre de congrégations religieuses, les projets hautement avoués de suppression de la liberté de l’enseignement, ne sont que les premiers incidens d’une lutte qui s’engage et que ses promoteurs ont l’intention de pousser jusqu’au bout. Peut-être, cependant, s’arrêteront-ils en route : il suffirait pour cela que l’opinion, mieux éclairée, revint à des idées plus sages et leur imposât le respect. Mais ce n’est pas par la guerre que l’on peut répondre utilement à la guerre ; celle qu’on a tentée contre les institutions a échoué ; celle qu’on décorerait du nom de résistance à des excès que nous sommes les premiers à flétrir n’aurait pas un meilleur succès. Léon XIII s’en est bien rendu compte. Il a compris que les adversaires de l’idée religieuse en France n’avaient pas de désir plus vif que de voir répondre par la rébellion à leurs brutalités. C’est ce qu’ils attendent avec impatience, espérant y trouver le prétexte ou même la justification de nouveaux excès. Ils se sentent pour le moment les plus forts, et ne demandent qu’une occasion d’user ou d’abuser de leur force. C’est pour cela que Léon XIII, quelque douloureusement qu’il ait ressenti ces atteintes qu’à travers la liberté violée, on a portées à la religion, a conseillé la patience et en a lui-même donné l’exemple.

Certains catholiques le lui ont reproché. Ils auraient voulu se jeter dans la mêlée et y avoir le Pape à leur tête. Peut-être le prédécesseur de Léon XIII aurait-il adopté cette conduite ; nous ne croyons pas que, dans les circonstances actuelles, elle aurait profité à l’Église. Les représailles n’auraient pas tardé à venir. Il est difficile de dire quel aurait été ou quel serait le dernier terme de la guerre engagée ; mais la guerre elle-même aurait été odieuse ; comme l’est toujours la guerre religieuse, et il est en dehors des prévisions humaines de savoir tout ce qui y aurait péri. Ce n’est pas nous qui reprocherons à Léon XIII d’avoir reculé devant une entreprise aussi téméraire. Homme de paix avant tout, il a voulu que, si la paix devait être troublée, on ne pût pas dire que c’était par sa faute. Dans l’état où