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fallait que la Compagnie, par deux de ses membres, « M. Vincent et, M. du Plessis-Montbard, » s’en mêlât, et, lorsqu’en avril 1656, fut signée une déclaration du Roi ordonnant « que tous les mendians de l’un et de l’autre sexe, valides ou non, seraient enfermés dans un hôpital et employés aux travaux en leur pouvoir, » la Compagnie du Saint-Sacrement de Paris aurait pu, à juste titre, revendiquer ce résultat comme sien[1]. Déjà, du reste, ses « filles » de Marseille et d’Angoulême avaient créé le même établissement. Dès 1646, celle de Marseille était parvenue à interner au moins une partie des bohémiennes vagabondes[2], contre qui vainement les confrères de Paris sollicitaient[3] plus tard une déclaration royale. Et, de 1657 à 1664, celles d’Orléans, de Toulouse, de Grenoble, de Périgueux, voire de Sainte-Reine en Bourgogne, réussissent, elles aussi, à fonder, dans leurs villes, ces « dépôts de mendicité, » qui durèrent.

Un autre champ bien spacieux, dit D’Argenson, à donner de l’emploi à la ferveur, » c’était la réforme des mœurs publiques, et pourtant, « jusqu’alors, personne n’avait fait profession de mettre un frein aux désordres » qui, un peu partout, se donnaient librement carrière.

A peine avait-elle tenu quelques « assemblées » que la Compagnie de Paris l’entreprend.

Pour commencer, elle se risque seulement à essayer de purifier, — d’abord, comme nous l’avons vu, les parloirs, — ensuite l’intérieur même des prisons. En 1635, elle obtenait qu’on y séparât les femmes de mauvaise vie des femmes honnêtes. En 1634, elle passe aux églises. Elle se hasarde à faire la guerre non seulement aux « rendez-vous de galanterie » qui se tenaient couramment à Notre-Dame » et ailleurs, mais aux « nudités de gorge » que tes femmes étalaient aux offices ; elle provoque là-dessus un arrêt du Parlement, un mandement de l’archevêque. Après quoi, ce sont les « tableaux, almanachs, livres déshonnêtes ou abominables » qu’elle prétend expulser successivement des portes des églises et de la boutique même des marchands. Elle

  1. Voyez sur ce point la discussion très curieuse et très nouvelle de M. Allier, p. 62-67.
  2. « Elles se laissèrent même persuader de quitter leurs habits extravagans et d’en prendre de modestes, qui leur furent achetés par la charité des Dames de Marseille, chargées par la Compagnie de les catéchiser. »
  3. Vainement, parce que, dit D’Argenson « ces sortes de gens (bohémiens et bohémiennes) trouvent des protections parmi le grand monde. »