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nous, son point culminant. Elle y est inférieure à ce qu’elle est dans une partie de l’Europe et du Nouveau Monde : en 1902, elle n’a pas dépassé une moyenne de 17 kilos par tête. Et, tandis que le Français utilise 17 kilos, l’Anglais en consomme 44, le citoyen des États-Unis 30, le Suisse 24, le Danois 23, le Hollandais 20, 1e Suédois 18 ; et, dans tous ces pays, la consommation s’accroît d’année en année ; nulle part il n’y a de recul.

Il serait intéressant de mettre en regard de ce développement actuel du régime sucré, et de celui plus considérable encore qui lui est promis, ses débuts très humbles et cependant bien proches. On devra se rappeler que, sous le règne de Henri IV, le sucre se vendait encore à l’once, chez les pharmaciens. La canne à sucre, d’où on le tirait alors exclusivement, a conservé, dans la classification botanique, le nom de « canne à sucre des officines » (Saccharum officinarum). La plante est originaire de l’Inde. Sa culture n’a pris toute son ampleur que dans les îles américaines, à Saint-Domingue et aux Antilles, où les Espagnols l’introduisirent vers le milieu du XVIe siècle. Il avait fallu des siècles et des événemens considérables pour l’amener à cette terre promise : les conquêtes d’Alexandre, pour la transporter jusqu’en Asie Mineure ; les Croisades, pour l’acclimater en Sicile ; et enfin les grands voyages de circumnavigation, pour la conduire à Madère, aux Canaries et aux Antilles.

Une heureuse circonstance devait, bientôt après, donner une grande impulsion à la production du sucre, lui permettre de devenir une grande industrie européenne et non plus seulement exotique, et au sucre de prendre une place considérable dans l’alimentation : c’est la découverte, faite au milieu du XVIIIe siècle par Margraff, de la présence du sucre dans la betterave. L’exploitation de cette source de sucre fut tentée d’abord en Allemagne, de 1787 à 1800, avec l’encouragement du gouvernement prussien. Les essais d’Achard, le promoteur de l’industrie nouvelle, furent suivis, en France, avec beaucoup d’intérêt par le gouvernement de Napoléon. Le Moniteur universel du 30 janvier 1800, rendant compte des expériences d’Achard, en signalait le résultat avec satisfaction, dans ces termes : « La commission de Berlin a reconnu que la livre de cette espèce de sucre, qu’on dit aussi bon que celui des îles d’Amérique, ne coûtera que douze sous, et la livre de sucre brut que six sous. » — Il a fallu du temps pour en arriver là ! Toujours est-il que la fabrication