Le 21 juillet 1896, un cortège triomphal traversait la ville de Dumfries, pavoisée comme pour un souverain, et apportait à la dépouille ensevelie de Robert Burns et à sa mémoire immortelle, avec des guirlandes et des couronnes, les hommages d’un peuple entier. Cette pompe était conduite par un des plus hauts personnages de l’Ecosse, grand seigneur et homme d’Etat, lord Rosebery, qui prononça, le matin, devant trois mille auditeurs rassemblés dans le Drill Hall, et, le soir, à Glasgow, deux magnifiques discours. Après un siècle, la gloire du poète éclatait, plus rayonnante que jamais, en ces fêtes où un ministre d’Angleterre venait dire, devant le tombeau de ce paysan écossais : « Il est plus important de faire les chants d’une nation que de lui fabriquer des lois. » Burns a créé les chants d’une nation. Ce fut là, semble-t-il, toute sa destinée, si étrangement mêlée de grandeur et de misère. Il suffit de la suivre à travers ses trois phases inégales et bien distinctes pour expliquer, en même temps que la vie et la poésie de ce singulier génie, le plus déclassé qui fut jamais et le moins méconnu, sa grandeur exceptionnelle et durable.
Expliquer cette poésie, n’est-ce point tout ce qui peut être tenté dans une étude de ce genre ? On ne saurait guère traduire les poètes lyriques ; mais, entre tous, Burns est, à vrai dire, intraduisible. Il écrit ses meilleures pièces dans le dialecte écossais, qui est comme l’accent de son savoureux langage ; il est tout saturé de la tradition écossaise. Les poètes populaires, les chansons anonymes, ont concentré en lui cet esprit épars qui flotte sur une nation comme la brise sur la mer ; et l’âme d’un pays vient chanter sur ses lèvres. Poésie suprême pour ceux dont elle