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prévaloir leurs desseins de bien fragmentaire aux dépens de la curiosité infinie, de l’activité encyclopédique, de l’ambition omnivore, si l’on peut dire, d’une association dont « l’esprit doit être, non l’esprit particulier » de tel ou tel couvent, mais « l’esprit général de l’Eglise universelle. »

De là, aussi, au moins en partie, la si curieuse indépendance, vis-à-vis du pouvoir et des évêques, à laquelle la Compagnie, après d’assez courtes hésitations, se résigne ou se complaît. Son programme, elle le sentit de bonne heure, devait encourir le blâme des puissances établies, non pas seulement parce qu’il l’obligeait, nous l’avons vu, à empiéter sur leurs attributions, mais encore parce qu’il l’amenait à souligner leurs impuissances ; et enfin parce qu’il la mettait, en chaque lieu, par l’universalité généreuse de ses conceptions, au-dessus des préoccupations locales et des vues étroites[1]. En revanche, ce à quoi elle tient et très sensément, dès le début, c’est à se rattacher à l’autorité spirituelle la plus haute, à relever du Siège suprême et central de l’Eglise. Voilà le lien qui lui convient, celui qui lui suffit. L’histoire des efforts qu’elle fait en ce sens, et que M. Allier ne voit pas, je crois, sous leur vrai jour[2], achève bien, si je ne me trompe, de fixer son caractère et de marquer, avec la profondeur de son dessein, l’ampleur de sa volonté. C’est à peine née, à peine organisée, et au moment même où son échec auprès de l’archevêque de Paris devrait l’humilier, qu’elle ne craint pas de tenter auprès du Pape une démarche paradoxale et qui pourrait sembler impudente et imprudente à la fois : elle sollicite de lui l’approbation que lui refusait l’archevêque[3]. Mais le bref qu’après un an et demi d’attente, elle reçoit, en 1633, n’était point ce qu’elle voulait : encouragement banal, accompagné du cadeau de « quelques indulgences, » comme à la première venue des confréries de paroisse ! Rome n’avait pas compris. Dépitée, la Compagnie patiente et travaille. En 1043, un nouveau nonce, Bagni, arrive à Paris. A peine débarqué, il consent, grâce apparemment à l’entregent de quelques-uns des anciens diplomates membres de la Compagnie de Paris, à faire une visite à

  1. D’Argenson, p. 196.
  2. Allier, p. 47-49. Ailleurs, du reste (p. 149), M. Allier observe avec raison que les projets de la fondation de séminaires des Missions étrangères « reflètent une des préoccupations les plus constantes de la Compagnie, son attachement étroit et direct au centre même de la catholicité. »
  3. D’Argenson, p. 24-25.