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raison, car la thèse soutenue en l’espèce par les insubordonnés était en général et pour tout l’épiscopat singulièrement menaçante. Puisque, disaient les Jésuites, les réguliers peuvent faire et font effectivement dans les diocèses et les paroisses tout ce que fait le clergé séculier, ils doivent être placés, — sinon au-dessus, — au moins sur le même pied. Bien plus, qu’est-il besoin de curés et d’évêques ? La milice monastique ne suffit-elle pas ? Et même, directement dépendante qu’elle est, et inspirée de Rome, ne vaut-elle pas mieux ? Des assertions de cette sorte s’autorisaient, sans doute, de l’immense travail qu’en effet, dans plusieurs pays, les Jésuites avaient fourni au profit de l’Eglise contre la Réforme ; mais elles trahissaient une ambition qui n’allait à rien moins qu’à bouleverser la forme antique de l’Église en substituant à la hiérarchie traditionnelle et aux cadres fixes et régionaux l’initiative démocratique et mobile des congrégations internationales et romaines. On conçoit qu’en 1625, l’Assemblée du clergé se montrât « fort irritée des entreprises des différens ordres contre la juridiction » des Ordinaires, fort pressée de « réduire sous l’autorité des évêques » toutes les insubordinations monastiques que manifestait alors la bruyante querelle de l’Oratoire et des Carmélites, — et qu’elle ne craignît même pas, pour mettre fin à cette anarchie naissante, de demander avec vivacité la réunion d’un concile national[1]. Et bientôt, — à partir de 1631, — un évêque, Jean-Pierre Camus, le fougueux et fleuri disciple de saint François de Sales, allait se faire devant le public l’avocat de ses confrères[2] et de l’Église officielle, dans une suite d’écrits où sont exposés, je pense, tous les griefs passés, présens et futurs du clergé séculier contre les congrégations envahissantes.

Ajoutons que, si, dans l’armée innombrable de moines de toute robe accourue à la rescousse de l’Église, les recrues récentes avaient une valeur morale impossible à nier, — les Jésuites, par exemple, qui déjà s’imposaient au respect de leurs

  1. L’abbé Houssaye, le Cardinal de Bérulle et Richelieu, p. 75, 80.
  2. Outre ses ouvrages cités plus haut, voyez l’Antimoine bien préparé, 1632 ; le Traité de la pauvreté évangélique (Besançon, 1634) ; le Traité de la désappropriation claustrale (ib. 1634) ; le Rabat-Joye du triomphe monacal (Lille, 1634) ; les Prérogatives du pastoral paroissial bien défendues (1642) ; les Devoirs paroissiaux soutenus ; l’Honneur et la Fréquentation des paroisses maintenus contre leur mépris et désertion ; la Direction pastorale justifiée ; Considérations hiérarchiques, etc. Sur le changement, à cet égard, de l’archevêque François de Harlay, voyez Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. IV, 434.